« Pour certains vignerons, les pertes sont abyssales »

L’année 2020 a été rude pour les vignerons de notre pays avec la fermeture des restaurants. Avez-vous déjà une vague idée des chiffres de la consommation des vins suisses durant l’année écoulée ?
Robert Cramer : L’année 2020 a été d’autant plus rude qu’elle survient après plusieurs années difficiles pour la viticulture suisse. Fin 2019, en raison de belles vendanges, les cuves étaient pleines. Dans ce contexte, de nombreuses actions ont été envisagées pour mieux faire connaître et apprécier le vin suisse. Une promotion de nos vins a débuté dans le secteur de la grande distribution et des actions devaient suivre dans le domaine de la restauration. Elles ont été compromises par la pandémie. Celle-ci a entraîné des conséquences tragiques pour les restaurateurs et a aussi empêché les rassemblements, aussi bien publics que privés, comme les anniversaires et les mariages. Cela représente d’importantes occasions de dégustation de nos vins qui ont été perdues. Le bilan est actuellement difficile à faire. Pour certains vignerons très dépendants de la gastronomie, les pertes sont de 60% du chiffre d’affaires. Dans l’intervalle il y a eu les vendanges 2020. Le manque de finances est actuellement criant, au moment où le printemps exige des travaux, c’est-à-dire des frais indispensables. La végétation n’attend pas !

Quelles actions avez-vous pu entreprendre tant au niveau fédéral que dans les différentes régions viticoles durant la pandémie pour limiter la casse, et quel bilan en tirez-vous ?
R. C. :  De nombreuses actions de promotion ont été engagées par Swiss Wine Promotion et les organisations de promotion régionales sans oublier le travail également effectué par les vigneronnes et les vignerons qui, eux aussi, ont dû s’adapter à la situation. Au niveau de la gastronomie, le projet Swiss Wine Summer qui s’est déroulé durant l’été 2020 et qui s’est prolongé jusqu’à l’hiver grâce au soutien de plusieurs cantons dont Genève, le Valais et Saint-Gall, a apporté un bilan très positif malgré la fermeture partielle de ce secteur économique. Ce projet sera reconduit en 2021.

Au niveau des distributeurs et revendeurs, les actions de promotions construites en partenariat avec eux ont permis une forte augmentation des ventes de vins suisses de plus de 10% annuellement. Cependant, ce chiffre très réjouissant ne doit pas nous faire oublier que les vins suisses ne représentent que 28% des parts de marché dans ce secteur.

Au niveau des ventes directes dans les domaines, nous constatons un retour des consommateurs désireux de découvrir des crus régionaux soit en direct, soit via des plateformes de vente online.

Robert Cramer. © Jean-Patrick Di Silvestro

Comment voyez-vous la sortie de crise pour les acteurs de la vitiviniculture en Suisse ?
R. C. :  La sortie de la crise sera difficile. Le marché suisse est très attrayant et soumis à une forte pression des pays viticoles. À titre d’exemple, la seule promotion des vins italiens bénéficie de 20 millions d’euros pour le marché suisse, alors que Swiss Wine Promotion reçoit 3 millions de Berne pour faire la promotion de nos vins en Suisse et à l’étranger. Notre seule chance serait que le consommateur donne sans hésiter la préférence aux vins suisses, comme il le fait par exemple pour les produits fromagers. Pour cela les restaurateurs sont des alliés précieux.

M. M.