Après s’être formé chez le chef Jean-Paul Jeunet, deux étoiles Michelin, Rémi Ohayon s’est spécialisé dans le conseil pour les hôteliers-restaurateurs. En 2011, il est sacré Meilleur Ouvrier de France en «communication et création de site Internet». Au Sirha Genève, il interviendra sur l’importance de rendre aux marques leur pouvoir. Interview.
Comment êtes-vous devenu conseiller Internet pour hôteliers-restaurateurs? Durant mes études à l’école de Pologny, dans le Jura français, j’ai compris qu’il fallait aider les hôteliers-restaurateurs à se saisir d’Internet pour faire venir la clientèle jusqu’à leur établissement. En 1997, j’ai présenté les avantages d’Internet à 300 chefs étoilés à l’occasion des 125 ans de la maison Blanc. Avec un message: Internet permet de vendre mieux et de vendre plus, grâce au lien direct avec les consommateurs. Depuis, j’ai conseillé plus de 1500 professionnels dans leur stratégie multimédia.
Quels problèmes avez-vous identifiés dans votre livre Addi(c)tion? La profession est prise en étau, avec d’un côté les portails de réservation en ligne et, de l’autre, les sites du type TripAdvisor, qui engendrent une dépendance économique malsaine. Mon livre encourage à se passer de ce genre de distributeurs et apporte des solutions aux hôteliers, il a également la volonté d’éclairer les consommateurs. J’ai été surpris d’apprendre au cours de mes enquêtes que 86% des clients pensent que les réservations en ligne permettent de payer jusqu’à 30% de moins sur une nuit. C’est faux!
Quels sont les effets pervers d’Internet? Avec le système d’achat de mots-clés sur les moteurs de recherches, les portails ont détourné la marque en usant de formules totalement mensongères, comme «prix malin» ou «prix garanti», ceci afin de détrousser la clientèle des hôtels, sans apporter de valeur ajoutée. Cela fait basculer les professionnels dans une dépendance économique. Il n’est pas normal de détourner l’attention des consommateurs, alors que prévaut le principe de parité tarifaire. Le prix d’une chambre est identique sur le site de l’hôtel et sur les portails. Et quand on nous dit qu’il ne reste plus qu’une chambre, c’est qu’en réalité il n’en reste plus sur ce portail-là! Ne parlons pas des avis de consommateurs dont 30% sont faux, qu’ils soient positifs ou négatifs sur les sites de concurrents. Une tendance inquiétante est le marchandage, un petit-déjeuner contre un commentaire positif.
Comment les hôtels peuvent-ils sortir de l’emprise des portails de réservation? La profession doit comprendre qu’un restaurateur est aussi un entrepreneur. C’est à lui de s’occuper de ses clients. Après avoir pris du retard depuis cinq ou six ans, il est temps de trouver des solutions. Les hôteliers commencent à améliorer leur site web, c’est un début. Il est possible de commercialiser des chambres par Facebook, puisque légalement, il est possible de faire des tarifs particuliers à des clients identifiés. Certains hôtels incitent à devenir «fan de la marque» et ainsi bénéficier de 10% de réduction. Gilles Cibert, le président du Club Hôtelier de Nantes, a ouvert il y a sept mois un portail baptisé FairBooking. Le site compte déjà 1300 établissements. Cette solution d’alternative est un cas concret de ce qui peut se faire.
Avez-vous des solutions concrètes pour que les marques reprennent leur pouvoir? L’hôtellerie indépendante doit travailler ensemble en faisant des enquêtes sur ses clients. Elle devrait déjà traduire ses sites web dans la langue du marché qu’elle cible, et pas seulement en anglais. Il lui faut aussi réapproprier les questionnaires post-séjour, pour ainsi mieux maîtriser ses clients, avant, pendant et après le séjour.
Benjamin Philippe
Photo: Rémy Ohayon, spécialiste de l’hôtellerie.© DR