Interview Serge Belime : «Il faut respecter les animaux»

Serge Belime, directeur de la Boucherie du Molard. © DR

Directeur de la Boucherie du Molard, à Genève, Serge Belime se fait l’ambassadeur de la viande qui a du goût, en soulignant que la patience est source de qualité. Il entend faire passer ce message lors de la Semaine du g oût. Interview.

Quelle est l’importance de la Semaine du goût pour votre enseigne? C’est l’occasion de faire connaître à la clientèle les produits de producteurs locaux et de cuisiner des plats tout prêts, à base de bœuf ou de volaille au naturel, labélisés GRTA (Genève Région-Terre Avenir). Des affiches expliqueront notre démarche et nos valeurs, dans notre magasin. La boucherie cherche à rapprocher tout ce qui vient de très, très loin. Pendant longtemps, nous avons fonctionné avec de l’agneau de Nouvelle-Zélande, puis d’Irlande du Nord. Maintenant, on souhaite passer de l’agneau français à l’agneau genevois. 

Quelles sont les conditions pour avoir de la viande qui a du goût? Déjà, il faut bien choisir la bonne race de vache, c’est-à-dire une race mixte qui donne du lait et non une race à viande. On en trouve en Suisse, des Simmental, mais aussi en France, des Salers ou des Aubrac… Ensuite, il ne faut surtout pas de mâles, mais des femelles qui ont eu un ou deux veaux pour que la matière grasse du lait passe dans les muscles de la bête. Enfin, il faut laisser rassir sur os pour que le gras à l’intérieur se diffuse. Le travail de maturation de la viande compte autant que la race et le travail de l’éleveur. 

Comment en arrive-t-on à des écarts ahurissants entre les prix? Aujourd’hui, afin d’accélérer la chaîne entre la vie et l’assiette, on obtient l’effet tendreté avec une maturation sous vide. Cela dégage de l’acidité et la viande n’a pas du tout le même goût. Si on a perdu cette saveur, c’est qu’on voulait plus d’argent. Un mâle est prêt en 15 mois, alors qu’une femelle demande entre trois à cinq ans de suivi. C’est un investissement important. Peu de gens sont prêts à cette immobilisation. Pourtant, il faut donner du temps à la bête.

Il suffirait de laisser paître les animaux? Les conditions d’élevage sont fondamentales. Quand vous allez au Château du Crest, à Jussy, vous voyez des cochons faire des galipettes sur la paille. Ils ne sont pas stressés. S’ils ont faim, ils mangent, s’ils ont soif, il y a des biberons à disposition. Résultat, la viande est plus ferme et plus goûteuse. Il faut respecter les animaux, ils nous en sont reconnaissants. Ce n’est pas en les faisant souffrir qu’on obtient de la bonne qualité et de bons produits. 

Selon vous, quelle est la préparation idéale pour de la viande? Contrairement à l’idée reçue, une côte de bœuf se fait au four, non au gril. Il ne faut pas trop chauffer; «pour le fun» et le croquant, éventuellement, la passer en deux allers-retours. Nous livrons la viande à 2° C, si elle monte d’un coup à 250° C, les cellules sont toutes brûlées. Cela tue le goût autant que les marinades. Un peu de fleur de sel, à la rigueur. Girardet suggérait de mettre la côte de bœuf sur la porte du four, quand elle sort du four. Les produits se dégustent et demandent du temps, avant, pendant et après. Un bon filet de porc se savoure. Personne ne boit cul sec un Mouton Rothschild. Aux consommateurs de prendre le même temps pour une bonne viande que pour un bon vin. 

Propos recueillis par Arnold Kohler

Légende photo : Serge Belime, directeur de la Boucherie du Molard. © DR