Directrice générale du Salon Sirha international depuis 2007, la Française Marie-Odile Fondeur gère une dizaine d’événements, dont Europain, Place des vins et Omnivore Food Festival. Interview avec la papesse des tendances mondiales de la restauration.
Que pouvez-vous dire de ce salon genevois? La dernière édition du Sirha Genève en 2012 s’est très bien passée. Nous sommes sur cette dynamique et la deuxième édition du Trophée Chef & Designer s’annonce palpitante. Le design est de plus en plus important dans le métier. Le pâtissier Christophe Michalak, vainqueur de la Coupe du Monde de la Pâtisserie en 2005, a été l’un des précurseurs en créant de véritables œuvres en 3D. En cuisine, d’une façon générale, il y a tout un travail à faire sur le contenu de l’assiette pour que le visuel soit aérien. De même qu’un cuisinier doit travailler avec le boulanger pour concevoir son menu, sur le principe du «à chaque plat, son pain», il doit faire appel à des designers pour donner de l’amplitude à
son plat.
Pourquoi le Trophée Chef & Designer n’existe-t-il qu’à Genève? Nous avons pensé qu’il était bien de le faire en Suisse, pour dynamiser le secteur et donner une spécificité locale. Il nous importe de donner une couleur à chacun de nos salons Sirha, en nous appuyant sur des acteurs et des réseaux locaux. C’est ce qui explique le succès des salons tant à Istanbul qu’à Moscou.
Qu’est-ce qui rend le Sirha unique? Le concept de notre salon est d’être un événement premium. Il ne fait pas dans le bas de gamme. Il est très particulier et n’est pas copiable. On forme les gens en leur montrant comment utiliser les instruments, les appareils et les produits. Le salon Sirha est à ce titre un immense laboratoire vivant. L’objectif est toujours de donner des solutions pratiques et d’anticiper les demandes des consommateurs. S’ils sont plus en avance que les professionnels, c’est grave.
Selon vous, que demandent les consommateurs d’aujourd’hui? Ils veulent trouver au restaurant ce qu’ils ne peuvent pas faire chez eux, ou tout au moins mieux que chez eux. La cuisine d’aujourd’hui est plus aérienne. Personne ne veut plus de dix ingrédients dans le même plat ou des recettes compliquées. La cuisine très lourde d’il y a 20 ans ne correspond plus à la société et aux modes de vie actuels. Les restaurateurs, de leur côté, doivent demander aux clients s’ils suivent des régimes particuliers ou s’ils ont des allergies, c’est la moindre des choses pour s’adapter à eux.
La cuisine moderne serait-elle plus saine? La tendance des restaurateurs est d’utiliser beaucoup de fruits et de légumes. D’abord, parce que c’est sain, ensuite, pour la couleur. Les petites portions sont aussi tendance, comme les mini-hamburgers, lancés par Paul Bocuse, parce qu’elles sont plus adaptées à notre envie de goûter un peu à tout. Le café gourmand est une idée tout à fait dans l’air du temps, qui n’est pas encore assez développée.
Pour être inventif en cuisine, faut-il passer par des ingrédients de luxe? Les consommateurs veulent toujours être surpris. Ce n’est pas le prix, mais l’invention qui prime. C’est pourquoi, actuellement, ils apprécient de redécouvrir des produits connus. Des confiseries de la grande distribution comme les Carambars ou le Nutella sont utilisés dans la pâtisserie. La frontière entre ingrédients gastronomiques et ordinaires a maintenant disparu. Il faut sublimer les produits et réinventer des plats, comme lors de l’épreuve du Trophée Chef & Designer qui fait revisiter la poule-au-pot.
Quels sont les impératifs des hôteliers? Ils doivent toujours se mettre au goût du jour. Les conférences de Pôle Conseil devraient les aider à garder une longueur d’avance. Ils doivent s’adapter, en allant vers plus de formules «buffet». Quant aux chambres, les gens veulent des suites, au mobilier contemporain et aux matériaux nobles.
Ernest Ghislain
Photo: Marie-Odile Fondeur, directrice du Sirha. © DR