Forte de ce formidable succès, elle est aujourd’hui candidate au Conseil national sur la liste du Parti socialiste genevois, avec l’envie chevillée au corps de faire bouger les lignes dans des domaines aussi divers que la protection sociale des indépendants, l’égalité des genres, l’intelligence artificielle et les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Rencontre à la veille de la sortie de son livre, La saltimbanque, chez Slatkine.
Estelle Revaz, qu’est-ce qui vous pousse à briguer un siège au Conseil national ?
Estelle Revaz : Je raconte mon parcours dans mon livre à paraître mi-septembre. Cet ouvrage est né pendant la période Covid durant laquelle j’ai mené un combat à Berne pour que les actrices et acteurs culturels, privés de travail en raison de la pandémie, puissent être indemnisés. Lorsque j’ai entamé mes démarches pour aboutir à la création d’une base légale qui a permis d’indemniser 300 000 personnes dans le pays, j’étais totalement novice en politique. J’ai cependant appelé les parlementaires fédéraux un à un pour construire une coalition transpartisane solide. Nous avons pu créer les majorités nécessaires au sein de 7 commissions au National et aux États, passer les 2 plenums et suivre la mise en ordonnance par le Conseil fédéral. Il a fallu attendre encore de longs mois pour toucher les indemnités pour pertes financières, mais au moins elles sont arrivées. Cette expérience montre qu’en tant que simple citoyenne on peut faire bouger les lignes et je trouve que c’est un magnifique signal d’espoir.
Vous avez également été choquée par le traitement réservé aux acteurs de l’hôtellerie-restauration…
E. R. : Effectivement, je suis tombée des nues. La gauche a milité pour des aides à fonds perdu. Ce n’était pas aux cafetiers-restaurateurs de subir l’énorme coût engendré par la fermeture de leurs établissements et de se retrouver aujourd’hui avec des prêts à rembourser, grevés par des intérêts. C’était à l’État, et donc à la société toute entière, de les soutenir, en tant que victimes économiques des mesures sanitaires imposées à tous.
Votre combat vous a donné le virus de la politique ?
E. R. : Il m’a surtout permis de me rendre compte qu’il est possible de faire changer les choses en s’engageant. Et j’ai très envie de m’investir en défendant des causes qui me tiennent à cœur.
Quelles thématiques en particulier ?
E. R. : La protection sociale des artistes et plus généralement celle des travailleurs indépendants sont des dossiers prioritaires pour moi. Il est urgent de trouver des solutions au niveau fédéral, qu’il s’agisse du droit au chômage, des assurances perte de gain ou du 2e pilier. Maternité, maladie, accident, retraite sont des mots terrifiants alors qu’ils font pourtant partie de la vie : il faut que ça change. Le pouvoir d’achat est aussi une préoccupation majeure de la population. S’il est évident que le travail doit être valorisé à sa juste valeur et qu’il doit permettre de vivre dignement, il est aussi important d’entendre les inquiétudes des entrepreneurs qui subissent de plein fouet les crises qui se succèdent (Covid, explosion des coûts de l’énergie, des matières premières, de la main-d’œuvre, changement des habitudes de consommation, etc.). Pour renforcer le pouvoir d’achat, je propose que l’État offre une aide au développement économique solidaire aux PME qui indexeraient intégralement les salaires au coût de la vie et une aide à l’investissement pour les petits indépendants qui innoveraient. Les petits entrepreneurs sont extrêmement résilients, mais lorsque les crises se succèdent, il faut savoir leur tendre la main.
Est-il possible de concilier une vie d’artiste avec un engagement politique au niveau national ?
E. R. : J’y ai beaucoup réfléchi et suis prête à m’engager à fond. La vie d’artiste, et notamment les tournées internationales, fonctionne en mode sessions, comme sous la Coupole. En tant qu’indépendante, je peux tout à fait organiser mon travail pour que ces deux activités soient compatibles.
Manuella Magnin