La pandémie vue d’ailleurs Une Suissesse au Cambodge

« Certains matins je me réveille et je me dis que ce n’est pas possible ce qui nous arrive ! Parfois je rêve que je prends l’avion ! Ce serait trop bien tout de même de retrouver juste la liberté de pouvoir aller où bon nous semble. Quelle drôle de période… »

Simone Lugeon n’est pas du genre à se laisser aller à la déprime. Formée à l’École hôtelière de Genève et à la faculté des sciences politiques de l’Université de Lausanne, elle a consacré une belle tranche de sa vie au tourisme.

Simone Lugeon est tombée amoureuse de l’Asie voici vingt ans. Photo: © DR

« Nous allons bien, même si parfois le temps est un peu long ! Je dois avouer que je profite de cette période plus calme. J’avais trop de travail et trop de pression avant et là je me recycle dans la formation professionnelle pour adultes en espérant que les écoles vont rouvrir en janvier ici au Cambodge. Je vais donner des cours de tourisme et je cherche même à ouvrir une école de formation professionnelle qui manque cruellement ici au Cambodge… »

Depuis le mois de mars, le magnifique hôtel Sala Lodges, qu’elle a créé avec des amis voici 7 ans, est presque à l’arrêt. « Nous continuons bien sûr à l’entretenir et à y aller tous les jours. Comme nous avons quelques clients qui viennent de Phnom Penh, nous avons divisé les équipes en deux. Cela nous permet de les voir régulièrement et de leur demander des nouvelles. » 

La plupart des employés sont retournés auprès de leurs familles, pour être ensemble, pour partager les frais, pour s’occuper des aînés. Lorsqu’ils travaillaient à plein temps, souvent pour être plus près de l’hôtel, ils louaient des chambres et ne vivaient pas avec leurs familles étendues. 

Tourisme vital
Le tourisme représente 32 % du PIB cambodgien et repose principalement sur les voyageurs internationaux. Si les frontières sont officiellement ouvertes, les conditions d’entrée sur le territoire sont drastiques et l’attribution de visas touristiques est suspendue jusqu’à nouvel ordre. Conséquence : les temples d’Angkor, joyau archéologique visité par plus de cinq millions de personnes l’année dernière, sont vides, et les plages désertes. 

Pour aider les acteurs d’une industrie touristique à bout de souffle, le gouvernement cambodgien a mis en place quelques aides exceptionnelles. Mais elles restent insuffisantes et ne s’appliquent pas aux travailleurs de l’économie informelle, nombreux dans le pays, comme les vendeurs de souvenirs, les restaurants de rue, les chauffeurs de tuk tuk… 

Plus de 5 000 guides n’ont pas vu un seul touriste depuis le 20 mars. Ils se forment, essaient de tenir le coup. Le micro-crédit foisonne, ce qui bien sûr entraîne des chaînes de désespoir, car il y en a toujours un qui ne peut plus payer les intérêts. 

Environ 400 hôtels sur 550 ont fermé leurs portes et l’on ne sait pas encore lesquels pourront rouvrir un jour.

Du poisson séché
La famille de Madame Kimchou, une des serveuses de Sala Lodges, vend du poisson séché au marché. Elle vient à l’hôtel avec la marchandise invendue et la distribue à ses collègues. Ils sont très inquiets pour leur avenir et cela se ressent. Même si dans leur culture ce qui est important, c’est le jour que l’on vit, il faut pouvoir mettre quelque chose dans l’assiette et avoir un toit pour dormir.

Tous les jours, les équipes de la sécurité et de la maintenance, s’occupent du jardin, ouvrent les maisons pour que l’air circule et surveillent la propriété. 

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le Cambodge a été sous l’eau pendant de nombreuses semaines. Des inondations ont englouti des villages entiers, les maisons sur pilotis et les habitants se sont déplacés sur les bords des routes. Les typhons ne ménagent pas les pays du Sud-Est Asiatique. 

2020 aura été pour le monde entier une année difficile laissant sur le carreau, les plus démunis… Le Cambodge a été globalement épargné par l’épidémie sanitaire. Avec seulement 380 cas à ce jour, et seulement des cas importés, il semble que c’est juste improbable… et pourtant, les Cambodgiens pensent qu’ils sont protégés par des esprits supérieurs. 

Les agriculteurs ont adopté une nouvelle astuce pour éloigner le coronavirus. Ils fabriquent des Tin Mong, en khmer, des épouvantails, souvent armés d’un bâton et qui font peur et donc éloignent la maladie de leurs maisons. 

Repenser l’avenir
On l’aura compris : le secteur touristique est l’un des piliers de l’économie du pays et il subit de plein fouet la disparition des touristes étrangers. Malgré tout, Simone et son mari demeurent optimistes : « Nous savons que les voyageurs vont revenir. On ne voyagera peut-être plus comme avant, on profitera au maximum d’un séjour à l’étranger, on va privilégier les expériences, prendre le temps. Le Covid-19 a mis l’accent sur la santé, le seul capital qui compte vraiment… mener une vie équilibrée et rester en contact avec la nature. Nous chercherons des expériences de bien-être qui répondent à ce besoin, classe de yoga et de méditation, repas bio, et là nous espérons être en première ligne avec Sala Lodges. »

Manuella Magnin

www.salalodges.com