Nicolas Joss : la viticulture suisse se distingue par son honnêteté

«Je suis né dans le vin. Mes grands-parents possédaient déjà une vigne dans le Chablais vaudois et le vin m’a accompagné tout au long de ma vie et de ma carrière ». L’homme ne manque ni de charisme, ni d’éloquence. Il parle sans détour et le débit ne souffre aucune hésitation. Nicolas Joss sait manifestement de quoi il parle lorsqu’il évoque les défis qui attendent la viticulture helvétique qui, tient-il à souligner, est issue d’une très longue tradition.

Une vignoble indigène menacé
Les vins suisses sont-ils aujourd’hui bousculés par la concurrence étrangère ? La réponse fuse sans l’ombre d’un flottement : « Non ! ils ne sont pas bousculés, ils sont menacés. Il faut savoir que les moyens promotionnels de nos concurrents étrangers sont sans commune mesure avec les nôtres. Nos produits sont excellents et à qualité égale nos prix sont comparables, voire meilleurs. De plus, nous sommes soumis ici à des règles strictes en termes salariaux ou de sauvegarde de l’environnement. La viticulture suisse est sociale, transparente et sa force réside dans son honnêteté. On ne peut pas en dire autant de beaucoup de nos concurrents étrangers qui misent sur le marketing. Beaucoup de consommateurs tombent malheureusement dans le panneau. »

Après un CFC de cuisinier et un diplôme de cadre en gestion hôtelière et restauration obtenu à l’Ecole Hôtelière de Genève, Nicolas Joss a travaillé dans des établissements hôteliers avant d’assurer la direction de l’Office des Vins Vaudois durant 6 ans. Il a aussi assuré le secrétariat général du Concours Mondial de Bruxelles. Cette compétition internationale, au cours de laquelle plus de 9000 vins sont présentés par les producteurs pour être dégustés et évalués par un panel d’experts viti-vinicoles, a été organisée à Aigle, en mai de l’an dernier.

Une expérience au service des vins indigènes
« C’est toute cette expérience que je mets aujourd’hui en avant pour promouvoir les vins suisses », souligne le directeur de Swiss Wine qui a défaut de moyens illimités compte sur sa force de conviction, son équipe et l’excellence des produits issus des six régions vinicoles suisses (Vaud, Valais, Genève, Trois Lacs, Suisse alémanique et Tessin). « Dans ce pays, nous entretenons quelque 250 cépages sur 15 000 ha. Beaucoup servent à des vins d’assemblage mais une soixantaine offrent des vins d’origine et des spécialités uniques. Cette diversité mérite d’être mieux connue et préservée. C’est une de nos grandes richesses ». Gilles Cornut, Président de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois a récemment déclaré que deux bouteilles de vin suisse par tête (d’habitant) suffiraient à sauver la profession ; partager-vous cet avis ? « Absolument oui ! (rires)… Et pour les deux bouteilles, le choix est vaste » ! 

Swiss Wine a non seulement pour mission de défendre les vins suisses dans tout le pays mais aussi celle de promouvoir les produits suisses à l’exportation. N’y a-t-il pas un paradoxe dans le fait de vouloir vendre nos vins à l’étranger, tout en critiquant ceux qui consomment des vins étrangers ici ? Nicolas Joss n’est pas homme à se laisser désarçonner par une question : « Comprenons-nous bien ! Chacun boit ce qu’il veut. Mais notre travail consiste non seulement à promouvoir honnêtement nos vins, mais aussi à réfuter le marketing des concurrents lorsqu’il abuse de la crédulité des consommateurs. Quant aux vins que nos exportons, ils sont surtout destinés à des régions qui n’ont pas de production locale ».

Patriote mais pas sectaire
Membre de la Confrérie du Guillon et d’autres confrérie qui dit-il « perpétuent notre belle tradition du vin », Nicolas Joss se garde bien de livrer ses préférences mais confie qu’il varie ses choix de blanc, rouge, rosé ou mousseux au gré des saisons. Quant à sa cave personnelle elle est riche « de plusieurs centaines de bouteilles ». Des vins étrangers aussi ? « Mais oui, je ramène parfois une bouteille ’exotique’ de mes voyages ».  Comme quoi, on peut être patriote en vins sans être sectaire !

En cette période d’isolement, le directeur de Swiss Wine tient encore à rappeler que, consommé avec mesure, le vin est authentique et que le déguster est un plaisir : « Le confinement n’interdit pas de boire un verre. Pensez qu’il suffit de commander un carton à un vigneron d’ici pour qu’il vous soit livré devant votre porte. Il n’y a aucune raison de se priver d’un bon verre lorsqu’on mange chez soi en famille ».

Quant aux personnes seules, elles ont cette fois un bon prétexte pour suivre le fameux dicton français qui nous accuse de… boire en Suisse, autrement dit de boire seul ou en cachette. Avec modération, cela va sans dire !

Georges Pop

www.swisswine.ch