Raymond Dussex: «J’ai eu beaucoup de chance d’être cafetier»

Mémoire vivante de la Société des Cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève (SCRHG), Raymond Dussex, fêtera le 20 janvier ses 80 ans. Il aura passé la moitié de sa vie en tant que cafetier, au service des autres. Interview.

Vous êtes membre de la SCRHG depuis toujours, mais quel a été auparavant votre parcours?
Je suis né en 1934 à Ayent, dans le Valais et suis arrivé à Genève, à 27 ans, pour être sommelier à la Cave valaisanne. Entre temps, j’avais exercé d’autres métiers de bouche, tels que boulanger-pâtissier et cuisinier.

Quelles ont été les grandes étapes de votre carrière?
Deux ans après mon arrivée, j’ai repris le Café de la mouette, à la Coulouvrenière, puis, en 1972, le Café des Marronniers, dans le quartier du Grand-Pré. Je l’ai rebaptisé La Pinte sédunoise. C’était un établissement de 100 places, le plus grand que j’ai eu à gérer. Enfin, j’ai tenu le Café de l’Europe, à Chêne-Bourg, à partir de 1996. Celui-là comptait 60 places. J’ai arrêté il y a dix ans tout juste, en 2004, sans vraiment le vouloir.

Aviez-vous une spécialité culinaire?
A midi, je servais un plat du jour. Personnellement, je m’occupais de la raclette devant les clients. Quand on a l’amour d’un pays, on essaie de défendre ses intérêts. D’où l’attention que je portais à la provenance des produits, jusqu’au pain de seigle.

Quel bilan faites-vous de ces années?
Après plus de 50 ans de travail, on garde bien sûr de très bons souvenirs, et d’autres plus tristes. Ce qui me réjouit, c’est que j’ai eu la santé et ai gardé des amis partout. En tant que patron, j’ai eu de la chance avec mon personnel. J’ai travaillé pendant 39 ans avec les mêmes fournisseurs.

Quel regard portez-vous sur le métier de cafetier tel qu’il est pratiqué aujourd’hui?
Tout est devenu tellement cher pour les consommateurs comme pour les cafetiers, cela complique les conditions de travail. Ce n’est plus la même ambiance. D’une façon générale, j’ai l’impression qu’on a un peu perdu le sens de l’accueil. Je vois des partons moins motivés que de par le passé. Dans l’ensemble, cela dit, il y a ici à Genève de bons établissements.

Originaire du Valais, vous êtes genevois…
Mes frères et soeurs sont restés là-bas, mes trois fils et leur famille sont ici. J’ai toutefois un pied à terre à Ayent. Les seules choses qui pourraient me manquer, c’est le soleil et les montagnes, mais le lac compense largement. Pendant 25 ans, sans aucun talent pour le football, j’ai été vice-président du club de Saint-Jean, qui s’est récemment fondu dans l’Olympique de Genève.

Quelles sont aujourd’hui vos activités?
Je fais partie de différents clubs, notamment le Commune valaisanne de Genève et le Club alpin. Avec les Amis montagnards, je fais de la marche. L’âge me retient un peu pour certaines activités, il faut bien dire. Avec d’autres amis, on fait des marathons gastronomiques «midi-minuit». Chacun prépare un plat, en tout il y en a 25. J’avoue que je décroche avant la fin.

Voyagez-vous maintenant que vous avez le temps?
Depuis 2004, j’ai pu me rendre à Berlin, Amsterdam, Venise, mais je retiens surtout les endroits où j’ai travaillé, comme Zurich et Lucerne. J’habitais près de la gare, dans un quartier populaire. C’est dans cette ville que j’ai appris à faire du vélo, pour livrer le pain. Je ne savais pas en faire: en montagne, à la montée, c’est trop dur, et à la descente, ça va trop vite.

Que vous inspire votre anniversaire?
Je me réjouis de passer ce cap. Ces dix ans de retraite sont passés tellement vite, j’ai l’impression que c’était hier.

Propos recueillis
par Benjamin Philippe

Photo: Raymond Dussex © DR