LES GRANDS CHEFS - Restaurant du Théâtre

Publié le

December 9, 2025

Par :

Manuella Magnin

« Noël, c’est un moment pour ralentir et se retrouver autour du goût »

À l’approche des fêtes, la cuisine du Restaurant Du Théâtre à Monthey s’anime sous la direction d’Ilario Colombo Zefinetti, chef passionné par la philosophie Slow Food et les produits du terroir. Formé auprès de grands noms, notamment au Danemark et dans le sud de la France, il est aujourd’hui l’héritier de l’esprit de son oncle Mauro Capelli, œnophile de haut vol, qui œuvre en salle et ravit les convives avec des vins d’exception. Ilario mêle authenticité italienne, respect des saisons et créativité contemporaine. Nous lui avons tendu le micro entre deux services pour qu’il nous partage sa vision de Noël et des produits qui composent ses mets délicats.

Les fêtes, c’est le moment du partage et du plaisir à table. À quoi ressemblera votre Noël cette année ?
Ilario Colombo Zefinetti : Comme chaque année, nous serons à Bergame avec ma grand-mère de 93 ans. Elle ne se déplace plus, alors c’est la famille qui vient à elle. Ce sera une vraie réunion familiale. Avec Mauro et ma mère, nous cuisinerons ensemble : un moment de partage autant dans les préparations qu’autour de la table. C’est l’occasion d’échanger des idées, de mêler les savoir-faire et de renouer avec la simplicité.

Et quel sera le menu ?
I.C. Z. : Fidèle à la tradition italienne du Nord. En entrée, un baccalà, ou plutôt un stoccafisso — du cabillaud séché à l’air puis réhydraté — préparé avec beaucoup de légumes. En plat principal, une poularde, élevée par une tante, pochée puis rôtie, servie avec des pommes de terre et des artichauts. Rien de sophistiqué : un repas sincère, sans recherche de complexité inutile.

Le stoccafisso est un produit peu commun. D’où vient cette inspiration ?
I.C. Z. : Historiquement, le stoccafisso a été importé des îles Lofoten. Les Vénitiens l’ont ramené en Italie au XV^e siècle et il s’est ancré dans nos traditions. C’est un produit qui parle d’histoire, de voyages et de transmission.

Le dessert est évidemment incontournable…
I.C. Z. : Ah, le panettone ! Chaque année, c’est une véritable quête du « panettone parfait ». J’aime le classique, celui aux raisins secs et fruits confits, sans glaçage. Je le sers toujours tiède : c’est à cette température que la texture s’exprime le mieux, que le beurre et les œufs révèlent toute leur richesse.

Vous travaillez magnifiquement les produits suisses et de saison. Quels sont ceux qui vous inspirent en hiver ?
I.C. Z. : Les poissons, sans hésiter. Les perches du lac ont été splendides cette année. L’omble chevalier est également un poisson extraordinaire. J’aime aussi les légumes racines, les salades amères du jardin, les cardons genevois et les agneaux d’alpage, qui terminent leur rassissement en chambre froide.

Justement, vous parlez souvent de l’amertume comme d’un équilibre gustatif.
I.C. Z. : Oui, j’y tiens beaucoup. L’amertume a un rôle fondamental : elle empêche la saturation du palais, surtout en hiver quand les plats sont plus riches, souvent confits au beurre. Elle stimule la salivation, apporte du relief et du contraste. J’utilise d’ailleurs les feuilles extérieures d’artichaut dans les bouillons pour renforcer cette dimension amère. C’est un goût qui fait voyager.

Et les vins pour accompagner tout cela ?
I.C. Z. : Les fêtes sont le moment idéal pour ouvrir de vieux millésimes. J’aime beaucoup les vins du Piémont, notamment le Barolo, mais avec Mauro nous tenons aussi à valoriser les caves valaisannes, dont certaines sont exceptionnelles.

Enfin, qu’évoque Noël pour vous aujourd’hui ?
I.C. Z. : C’est un moment suspendu. Je suis fils unique. Plus jeune, toute l’attention se tournait vers moi. Cette année, ce sera le premier Noël de ma fille, et en même temps, je vois ma grand-mère vieillir, mes parents approcher de la retraite… Noël, c’est comme un livre ouvert : on y lit le temps qui passe. C’est une période pour ralentir, réfléchir, et laisser venir de nouvelles idées.