La double crème de Gruyère : un péché gourmand

Il est généralement admis que, depuis le Moyen-Âge, dans les pâturages gruériens, le fromage étant partiellement écrémé, l’habitude avait été prise de prélever la couche supérieure de la crème grasse, très dense, qui flottait sur le lait, pour s’en régaler. De nos jours, la double crème, pour mériter sa dénomination, doit se composer de 45 % à 50 % de matières grasses, ce qui lui donne l’épaisseur et l’onctuosité qui en font un mets estimé par les gourmets. Au plaisir de la bouche, s’ajoute celui des yeux, la crème étant traditionnellement servie dans un petit seillon en bois, muni d’une cuillère en bois délicatement sculptée.

Meringues, fruits rouges et sauces
La consommation de la double crème reste très intimement associée à celle des traditionnelles meringues qui en sont copieusement arrosées. Ce dessert, oh combien ! gourmand, figure d’ailleurs dans le coutumier menu de la Bénichon, cher au cœur des Fribourgeois. Mélangée avec quelques pincées de sucre et une pointe de vanille, puis refroidie au réfrigérateur, la crème double relève aussi prodigieusement les coupes de fruits rouges. Elle se prête également à la préparation de sauces ou, mélangée à du parmesan râpé, du sel, du poivre et une pointe de muscade, à aromatiser un plat de pâtes. 

En feuilletant les pages du site patrimoineculinaire.ch, on apprend que, dans un livre intitulé « Les habitudes alimentaires de 1900 à 1950 », les auteurs, Norbert Despont et Gilbert Monnairon, racontent que « pour la petite histoire : tous les dimanches, les armaillis qui descendaient au village pour la messe, déposaient en passant devant la porte de Monsieur le Curé, un morceau de gruyère ainsi que de la crème dans une petite boille en bois. Ce geste symbolisait le remerciement pour les messes données en leur faveur, ainsi que pour les prières faites afin que la saison estivale se passe pour le mieux ».

Georges Pop