« Je suis entré en cuisine dès mon enfance, tout naturellement. Mes parents avaient un bistrot de village du côté de St-Léonard. Je me suis mis dans le bain très vite », nous a-t-il confié, égrenant les souvenirs de son âge innocent avec tendresse. Questionné sur sa madeleine de Proust, il évoque spontanément la tarte aux abricots de sa grand-mère, lorsqu’il gardait les bêtes sur les alpages. Mais il se ravise aussitôt, soucieux de ne pas se cloisonner dans un seul souvenir : « J’en ai tellement, qu’en vérité je suis incapable de choisir (rires) ».

Au pays des dieux de l’Olympe
À 19 ans, l’enfant du Vieux Pays prend la route des Grisons. À St-Moritz, il se frotte à l’exigeante clientèle d’un établissement réputé. Un peu plus tard, le voici en Grèce, à aiguiser ses couteaux dans les cuisines de grands et prestigieux hôtels, à Corfou et à Rhodes. De son séjour au pays des dieux, il garde quelques réjouissantes notions de la langue d’Homère, mais surtout un amour immodéré pour la cuisine méditerranéenne dont il fut, ici, l’un des pionniers, une fois de retour sous les ciels des Alpes.
« L’huile d’olive est mon fil rouge », confie-t-il, avant d’ajouter en riant, avec un petit air faussement gêné : « Mais je ne devrais peut-être pas le dire, alors que je suis censé faire l’éloge de notre terroir national ». Il se « rattrape » cependant sur-le-champ, révélant, par exemple, sa dévotion pour le papet vaudois et la saucisse aux choux. « Une pure merveille ! », s’exclame-t-il. Le plat sera d’ailleurs au menu du banquet qui, à Berne, ouvrira les festivités de la Semaine du Goût.
Sublimer les saveurs indigènes
Après 50 années de passion et de dévouement à son art, au cours desquelles il a collectionné les étoiles et les louanges, le voici aujourd’hui à la tête du Cerf, à Rougemont où, avec son équipe, il sublime les saveurs indigènes. « La cuisine n’est pas une simple affaire de nourriture… C’est un langage universel, l’éloge de la nature et des splendides produits qu’elle nous offre. C’est aussi la chronique d’un terroir et l’histoire des hommes et des femmes qui s’y consacrent… », insiste-t-il.
« Nos fromages affinés, nos meringues légères, nos vins d’exception… Ces saveurs racontent notre histoire, forgent notre identité. Quelle fierté de voir notre région briller sur la scène gastronomique ! L’élection d’Aigle en tant que Ville du Goût 2025 en est une magnifique reconnaissance », écrit Edgard Bovier dans son message urbi et orbi, sur le site de la Semaine du Goût.
Ce chef attachant et généreux entend bien profiter de la tribune que lui offre sa charge de parrain pour répandre au loin le virus qui a guidé sa vie. Un virus bienfaisant et, grâce à des passionnés comme lui, hautement contagieux…
Georges Pop
