Dossier: Bières. Brasseries artisanales vaudoises

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La dissolution en 1991 du Cartel de la bière – fondé en 1935 – permet le développement des micro-brasseries encouragées par l’importation depuis le début des années 1970 des premières bières étrangères, plus particulièrement belges.

Depuis l’aube de l’humanité, la bière a accompagné les activités humaines. Et ce pour des raisons sanitaires. Car cette boisson ne permet pas le développement de bactérie ou virus pathogène, grâce à des taux d’alcool très bas. Aussi, comme le vin rouge coupé d’eau, la bière est-elle un moyen simple de prévention du choléra, par exemple. La crise du phylloxera des années 1860, en dévastant quasi-complètement le vignoble, a permis ainsi la formation de nombreuses brasseries en Suisse. 

Brasserie artisanale de Giez
Giez, c’est ce charmant petit village du Nord vaudois de quelque 400 âmes, avec un château et une histoire. La tradition voudrait que ce soit au pied du village que Charles le Téméraire établit en 1476 son camp en vue du siège de Grandson, qui se termina par sa déroute.
C’est là qu’en janvier 2016 Benjamin Strahm débuta ses activités brassicoles. Benjamin Strahm n’est pas tombé dans l’alambic enfant. De formation scientifique, diplômé de l’EPFL, c’est par hasard qu’il s’est orienté dans la branche, «un jour qu’[il] s’ennuyait». Ce jour-là, «il est parti acheter un livre sur le sujet». Et du matériel. Puis il a testé. C’est en quelque sorte la curiosité qui l’a guidé et il a abordé le brassage sous une approche scientifique. Actuellement, il travaille seul pour produire ses 30 hectolitres annuels, pour une capacité de 400 l par jour. 
Le 80% de sa production est orienté vers les bières «sur mesure»; c’est-à-dire qu’il propose puis construit une bière selon les définitions du client (taux d’alcool, couleur, style). Le reste est constitué par la production de bières dites «permanentes», aromatiques, qui rappellent celles de la côte ouest des Etats-Unis.    

Brasserie artisanale des 7Peaks
Ouverte en janvier 2014, elle compte à son actif 290 brassages, 116’000 litres de bière brassée, 4 types de bières: Dent Jaune, Cathédrale, Les Doigts et Cime de l’Est, ainsi que 5 saisonnières. Son identité se réfère aux Dents du Midi que l’on peut admirer depuis le sommet de la Foilleuse à Morgins, au cœur des Portes du Soleil.
Au départ, rien ne pouvait laisser penser que l’ingénieur Robby Collins allait se lancer dans l’aventure brassicole. Après 15 ans dans l’industrie aéronautique américaine il décide, en 2007, de quitter son pays pour refaire sa vie sous d’autres horizons, dans une autre langue. Un an plus tard, il rencontre Corinne Reymond, devient son mari et s’installe définitivement à Morgins. Aujourd’hui, Robby et son épouse produisent leur précieux nectar dans la cuisine de leur chalet familial de Morgins en mettant une touche personnelle à chaque recette. Chacune de quatre bières portent le nom d’un sommet. En fin de compte il existe 7 bières bien distinctes, plus les bières saisonnières. 
L’eau, ingrédient de base à 90% dans la fabrication de la bière, provient directement des montagnes voisines. Pour le couple, le recyclage est essentiel. «Toutes nos drêches sont mises de côté et données fraîches aux chevaux du ranch de Morgins», précisent-ils. Pour que le moût entre en fermentation, ils ont choisi de la levure de «haute fermentation». Sans oublier la touche secrète de leur brasseur. Afin de trouver le goût se rapprochant le plus du type de chaque bière, les ingrédients proviennent du Pays d’origine de chaque style de bière.

Originales
La première est la «Cime de l’Est». Elle a le plus fort degré d’alcool (7%). Cette Cime s’inspire de son ancêtre développée au 18e siècle pour, entre autre, approvisionner les troupes coloniales britanniques en Inde. Dans un souci de modernité, nos brasseurs y ont intégré un mélange de houblons américains apportant ainsi un arôme fruité. 
La seconde en alcool est la «Dent Jaune» (5,2%), en référence au sommet éponyme de 3186 mètres. Cette bière est «jaune comme la couleur de la robe blonde de notre bière. Douce, légère, rafraichissante avec des goûts harmonieux».
«Cathédrale» est le nom de la troisième (5,1%). «Blanche, pure et noble comme notre bière. Des graines de coriandre concassées et des écorces d’oranges amères viennent ajouter une touche épicée et d’agrumes à souhait».
«Les Doigts» (4,4%) ferme la marche. C’est une bière ambrée. Le mélange des ingrédients utilisés lors de la fabrication «provoque» un éclatement subtil de café et caramel en bouche avec «quelques doigts d’amertume» recherchés pour une bière typiquement anglaise.

Brasserie Trois Dames
Née en juin 2008 à Sainte-Croix, la Brasserie Trois Dames est la création de Raphaël Mettler. Ce dernier, de retour d’une année sabbatique à Vancouver au Canada, rachète la menuiserie locale et la transforme en brasserie. Aujourd’hui, celle-ci fabrique six bières à l’année, en plus des bières spéciales. Ses bières sont livrées dans un peu plus de 120 points de vente et une partie de sa production est exportée en Norvège, en Suède, aux Etats-Unis et au Canada, là où est née l’idée de la micro-brasserie. 
«L’Indian Pale Ale» avec ses 9% d’alcool a une part de malt et de houblon augmentée pour obtenir la bière la plus forte de la gamme. C’est la «Pasionaria». La seconde (7,2%), c’est la «Bise Noire». Comme son nom l’indique, elle est de couleur noire et de fermentation haute, créée avec un «mélange de malts spéciaux, calibrés pour lui donner le corps, la rondeur et la présence indispensable à une bière d’hiver», puisque brassée de septembre à mars. 

Tradition
Suit «La Voisine» (5,5%), bière blonde réalisée avec 100% de malt blond. A l’origine, elle a été développée pour les chalets d’alpage autour de Sainte-Croix. «La Pacifique» (5%) est une bière confectionnée avec des houblons nord-américains, à la fermentation haute, procédé d’origine britannique. 
Le peloton de queue est formé par trois bières faiblement alcoolisées (4,8%): la «Black Stout», la «Fraîcheur» et la «Rivale». La première est composée de 10% de malts torréfiés ainsi que de malts blonds et caramélisés, 10% d’orge rôtie non maltée, ainsi que de quelques flocons d’avoine pour «plus de corps et de présence»; la seconde est une bière blanche au froment. Elle se compose à 50% de blé non malté du Jura et à 50% d’orge. Enfin, la Rivale se contente d’être «une bière rousse aux malts caramélisés, d’inspiration irlandaise». Elle accompagne parfaitement un jambon ou une viande cuisinée ainsi que les fromages à pâte molle ou mi-dure. 

Lionel Marquis