Découvrir la bière en cassant les codes gustatifs

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Lorsqu’on parle de mode, tous les goûts sont dans la nature. Les consommateurs s’ouvrent à de nouveaux goûts et à des mélanges toujours plus singuliers. Immersion dans l’univers brassicole de Yan Amstein.
 

Amstein SA a été fondée dans les seventies par Jacques Amstein, un visionnaire passionné par la richesse de la culture brassicole étrangère. Il a consacré sa carrière à explorer le monde et à faire connaître aux consommateurs suisses des bières d’ailleurs (notamment belges), ce qui a largement contribué à faire évoluer leurs goûts, jusqu’à ce que la globalisation ouvre le marché à tous les goûts et couleurs. Entre tradition (Bavière, Tchéquie, Flandres, Anglosaxon, etc.) et modernité (la Suisse qui innove dans le domaine brassicole), Amstein poursuit sa mission d’ambassadeur de la bière et offre également des vins, cidres et autres alcools. A St-Légier son magasin cash & carry ouvert au public propose un large choix de boissons (> 500 sortes de bières et >400 vins). 

 

Yan Amstein, quels sont les secrets du succès de votre commerce de bières en Suisse?

Le premier se résume au fait que nous ne signons pas de contrat d’exclusivité avec les fournisseurs: l’indépendance fait notre force. Nous conseillons aussi nos clients pour la constitution de leur assortiment, notamment dans la grande distribution en Suisse.

Un autre facteur de succès est la combinaison entre passion et rigueur. Issu de ma lignée, ce mix est devenu ma marque de fabrique lorsque j’ai repris l’entreprise familiale. Ayant brassé ma première bière à 12 ans, je connais le processus d’élaboration de la bière dans ses moindres détails. Cela se reflète dans une sélection stricte des produits. Je demande aux candidats de choisir leur produit phare et de me soumettre deux échantillons par produit. Le premier est testé après un mois de stockage, pour déceler les soucis de fermentation. Le producteur qui ne passe pas cette étape est recalé pour l’ensemble de ses produits. Le deuxième échantillon reste encore 4 mois, soit 5 mois en tout, ce qui correspond globalement à un délai de stockage usuel chez les détaillants.

Si la passion est héréditaire, vous êtes féru de technique brassicole…

J’aime connaître et expliquer le pourquoi derrière les différentes bières et je pense avoir transmis ce goût à mon équipe. Je m’intéresse à l’âme du produit. Je suis sensible à sa lignée brassicole, aux ingrédients utilisés et à leur pourcentage, à ce travail d’alchimiste qu’effectuent les brasseurs. La levure est l’ingrédient qui révèle la maîtrise gustative d’une brasserie. On doit connaître la dureté de son eau. Toutes les brasseries ne disposent pas de leur propre source d’eau. La plupart des petites brasseries utilise l’eau du réseau, ce qui tue littéralement l’ADN de la bière. Mais la tendance s’inverse déjà.

Quelles sont les tendances de consommation de bières en Suisse?

Si les volumes se vendent à Zurich, la diversité brassicole se retrouve surtout en Romandie, de ses habitudes de dégustation héritées d’un passé viticole. Les grandes tendances sont de moins en moins palpables depuis que les gens voyagent davantage. Pendant longtemps, les pays du sud n’aimaient pas les bières acides. Depuis une dizaine d’années, la tendance est au goût très houblonné de la bière. Cet été va voir ressurgir les bières acides que mon père avait lancées au début de sa carrière. L’histoire et les relations commerciales ont vu évoluer les tendances et les goûts. Les foires sont l’occasion de tester les nouveautés en direct. Notre stand est un bar qui propose 100 bières à la dégustation à tous types de publics.

Accords mets-bières, cigare-bière… la bière se marie-t-elle avec tout?

Persuadés que l’on peut travailler la bière en cuisine comme on le fait avec le vin, mon équipe et moi-même avons approché les grands chefs de notre pays. Nous leur avons suggéré de considérer la bière comme un ingrédient, de s’éloigner des simples accords mets-boissons. Ils ont cru au projet dès le début. Mon collaborateur sur ce projet a littéralement cuisiné à leurs côtés. En vérité, le piège de bière apparaît en réduction, car elle peut fausser les goûts. Après 5 ans de lobbying auprès des chefs, la plupart disposent d’un plat où la bière est valorisée.

S’écarter des codes et des idées préconçues sur les accords des mets et boissons permet de laisser la part belle à l’émotion.

Pamela Chiuppi