La féra, hôte éminent de nos lacs alpestres

Les pertes sont limitées avec le système Feldschlössen. © DR

Hôte des lacs alpins aux eaux froides et profondes, la féra (lavaret, corégone, palée, bondelle), poisson noble comme la truite et l’omble chevalier, peut atteindre 5 kilos et plus.

Poisson délicat et racé
Les riverains du Léman n’ont que le filet de perche à la bouche… Or, pour certains, rien ne vaut la féra délicate et typée, éclipsée par la frénésie d’une mode qui n’a pourtant guère plus de 50 ans… Pour JM Bessire, le chef étoilé du Cigalon, à Genève, pape dans l’art d’apprêter le poisson, c’est le meilleur produit du lac, fin et goûteux.

La féra du Léman et son histoire
La féra actuelle n’en est pas une. Deux espèces autochtones distinctes (coregonus fera et hiemalis) ont disparu dans les années 20. On les a remplacées par une Coregonus palea de Neuchâtel, redevenue féra en changeant de lac. Bref, l’original a disparu, mais son nom demeure, et il est redevenu le roi du lac, avec l’omble chevalier, le brochet et la truite lacustre. Sa chair exquise fait le bonheur des connaisseurs des alentours.
Jean Fröhlich, pêcheur et mémoire vivante du Léman, se souvient que la féra de son enfance était bien plus grosse, et qu’il en reste quelques unes, dans le lac, à la morphologie spécifique. Il s’en souvient comme d’un plat de fête du dimanche, cuisinée entière pour toute la famille.
Mais au 19e siècle, répandue et bon marché, la féra était réservée aux pauvres, la bourgeoisie gourmande lui préférant la truite. La mode du filet de perche passa par là et la féra perdit de sa popularité, qu’elle est heureusement en train de retrouver à vive allure. Il faut dire que la perche souffre de son succès: un exemple? 485 tonnes pêchées dans le Léman en 2009, alors qu’on en consomme plus de 7000 tonnes, rien qu’en Suisse… Plus de 9 perches sur 10 sont importées, surtout d’Estonie. Est-ce bien raisonnable?
La truite et l’omble chevalier ne peuvent suffire à la demande en poissons locaux. La féra y contribue donc fortement, pour qui est soucieux de consommer local (plus de 600 tonnes en 2010), le brochet (50 tonnes) la truite lacustre (15 tonnes) l’omble chevalier (15 tonnes).
La reproduction naturelle semble reprendre le dessus, grâce à la meilleure santé du lac et une qualité de planctons accrue. Cependant, le brochet fait des ravages, surtout chez l’omble chevalier et la truite. Du coup, sa période de protection a été supprimée en 2007 (1er avril au 10 mai), puis réduite.

La féra, mais comment?
Entière, en papillote, avec citron et huile d’olive: attention à la garder rose à l’arête, sinon elle devient farineuse. Poêlée à l’unilatérale, une minute ou deux côté peau, puis laisser sereinement nacrer sa chair. Triple étoilé Michelin, Emmanuel Renault du Flocon de Sel de Mégève (Hte Savoie), s’est laissé séduire par les féras de son ami-pêcheur et les propose grillées à l’huile d’olive, avec bergamote, fenouil et mini poireau ou oignon nouveau.

Chiffres: http://www.cipel.org/classic/tb/CIPEL-Tableau-de-bord-nov-2011.pdf

JF Ulysse