Zoom sur la moutarde

Alors que nos voisins français pleurent la pénurie de moutarde dans les rayons des supermarchés, et que les restaurateurs de l’Hexagone n’hésitent pas à franchir la frontière pour venir s’approvisionner chez nous, en Suisse rien de tout cela. 

Car si Dijon est réputée pour sa moutarde, la France importe la majeure partie des graines indispensables à la réalisation du condiment depuis le Canada. Premier cultivateur et exportateur mondial, le Canada a connu de fortes sécheresses durant l’été 2021 qui ont diminué la récolte. La Russie et l’Ukraine, deux gros producteurs de graines, auraient pu permettre de compenser les pertes. Or, l’Ukraine, en guerre, a interrompu sa production et la Russie a été frappée par un embargo commercial.

En terre vaudoise, Reitzel à Aigle est connu pour ses moutardes, de même que le Moulin de Sévery qui commercialise ses créations un peu partout en Suisse romande.

A Cottens, Bertrand Boesch est un passionné de moutarde et de vinaigre depuis des décennies. Et cette année, pour la première fois, il proposera une visite de sa moutarderie durant la Semaine du Goût. La fabrication de sa moutarde 100% vaudoise se déroule en plusieurs étapes. Après la récolte, les graines sont séchées et triées avant d’être mises à macérer dans un liquide acide et du bouillon de légumes maison. L’oxydation se fait au bout de 5-10 jours environ en fonction de la température ambiante. S’il garde ses recettes secrètes, Bertrand Boesch nous confie que ses créations contiennent 33% de graine de moutarde et 6 g de sel au kg alors que chez certains industriels, c’est plutôt 40 g par kg !

Le moutardier n’utilise ni lait en poudre ni jaune d’œuf séché pour lier ses préparations qui peuvent donc se garder à température ambiante sans risque pour la santé, et se bonifier avec les années.

Il commercialise bon an mal an quelque 36 000 pots auprès de 150 revendeurs, mais aussi directement sur son lieu de production, auprès de restaurateurs ou via son site internet.

Du vinaigre
Bertrand Boesch produit également des vinaigres d’exception. Chaque année, il crée de nouvelles recettes qui enrichissent son assortiment. En 2022, c’est l’abricot Luizet, le Muscat du Valais et le kombucha qu’il magnifie dans ses flacons. Il projette d’utiliser prochainement du petit-lait qu’il ensemencera avec ses propres levures qu’il cultive dans une chambre blanche. « Ce lactosérum est malheureusement jeté. C’est du gaspillage, déplore le vinaigrier, qui se réjouit de renouer avec une tradition ancestrale ». Autrefois, le petit-lait servait en effet à la production de vinaigre dans les régions alpines. 

Manuella Magnin