Figure du Restaurant du Cerf, à Cossonay, le chef Carlo Crisci, deux étoiles Michelin, sera le parrain de la Semaine du goût 2014 et poursuivra sa mission d’ambassadeur de la gastronomie. Interview.
Le comité de la Semaine du goût vient de vous désigner parrain de l’édition 2014. Que vous inspire cette nomination?
La Semaine du goût met en lumière notre approche et tout ce que nous faisons avec le corps et l’âme. Un tel projet, qui touche le cœur de la cuisine, m’intéresse forcément. Dans mon restaurant, nous promouvons le goût toute l’année. C’est flatteur que l’on pense à moi.
Quand le goût pour la cuisine est-il né en vous?
Au départ, je ne souhaitais pas être cuisinier, même si mon père était restaurateur. J’étais plus attiré par le graphisme, la couture, des métiers artistiques, en somme. Mon professeur de dessin de l’époque, m’a toutefois mis en garde contre la situation précaire des artistes. Comme le restaurant de mon père marchait fort, j’ai compris qu’il valait mieux faire un apprentissage, par sécurité, et puis, je souhaitais exercer un métier qui permettait de voyager. Alors je me suis lancé en gardant en tête de reprendre des études, plus tard. J’ai travaillé une dizaine d’années sans prendre beaucoup de plaisir, j’ai aussi beaucoup voyagé. Quand la nouvelle cuisine est arrivée, ce fut la révélation, je me suis alors vraiment épanoui.
Faut-il être artiste pour bien cuisiner?
Personnellement, je me considère comme un artisan, malgré mon intérêt pour l’art et les artistes. Il y a une vraie différence entre magnifier un produit et faire de l’esthétique. L’art est une vision de la vie, il n’a pas besoin d’être beau, contrairement à la cuisine. Le seul but de la gastronomie est de faire plaisir à l’autre. Une autre différence, c’est qu’un cuisinier qui a trop d’avance échouera. Il faut être à la fois dans le présent et à la fois garder en tête qu’un restaurateur dirige une entreprise, qu’il a une responsabilité vis-à-vis de ses employés et qu’il doit satisfaire sa clientèle.
La gastronomie est-elle accessible à tous?
Soyons clairs, que ce soit un cuisinier dans un hôpital, un établissement médico-social ou même à l’armée, chaque personne qui fait à manger, avec sincérité et avec plaisir, fait de la gastronomie. Ce n’est pas une question de niveau, mais de qualité. La cuisine, c’est du bon pain, du bon sel et du bon beurre. Le goût et le plaisir sont indissociables. Un hamburger ou des spaghetti aglio olio sont de la gastronomie s’ils sont préparés avec le cœur. De fait, il est tout aussi difficile d’avoir du succès avec un sandwich qu’avec du foie gras. Il ne faut pas confondre un produit noble et un produit de luxe. J’aime mieux une bonne sardine qu’une mauvaise sole.
Actuellement, avez-vous des produits de prédilection?
En janvier et février, nous avons travaillé la truffe. Avec la fin de l’hiver, je me réjouis d’arriver sur autre chose, les asperges commencent à sortir. La variété des matières premières est un élément fondamental de notre métier. C’est ce qui en fait la beauté.
Propos recueillis par Benjamin Philippe
Photo: Carlo Crisci, chef du Restaurant du Cerf, depuis 30 ans. / © DR