Titouan Claudet, comment avez-vous vécu la remise de la prestigieuse distinction de Pâtissier de l’année au GaultMillau 2025 pour vous-même et pour The Woodward ?
T.C. : Forcément avec beaucoup de joie et de fierté. J’en ai rêvé et j’ai encore de la peine à y croire. Nous travaillons dur tous les jours avec les équipes pour offrir des émotions à nos clients, à l’hôtel, à l’Atelier Robuchon, au Jardinier et dans notre boutique, le Comptoir Woodward à la rue Neuve-du-Molard. Cette distinction est une superbe mise en avant, surtout en Suisse où la pâtisserie ne bénéficie pas de la même aura qu’en France.
Est-ce un rêve d’enfant qui se concrétise ?
T.C. : Je dirais plutôt un rêve d’adulte. Enfant, je me voyais avocat ou psychologue. Dès 15 ans, j’ai commencé à m’intéresser à la cuisine. Dans la famille, personne n’exerce un métier en lien avec la restauration. Mes parents craignaient que ce ne soit une lubie d’adolescent. J’ai donc poursuivi mes études et passé un bac économique et social. Puis je me suis inscrit à l’école hôtelière où j’ai obtenu un BTS en hôtellerie restauration, option art culinaire, art de la table et service. Je n’ai en revanche pas suivi d’apprentissage, ni en cuisine, ni en pâtisserie.
Quand avez-vous eu le déclic ?
T.C. : C’était à 21 ans, lors d’un stage aux côtés de Benoît Charvet (ndlr : élu pâtissier de l’année en 2013 et sacré champion du monde des desserts glacés en 2018) au Relais Bernard Loiseau. Je l’ai suivi chez Georges Blanc en tant que commis. Cette rencontre a été cruciale pour moi. J’ai appris le côté technique, carré, maîtrisé de la pâtisserie où presque tout doit être anticipé, contrairement à la cuisine où il y a toujours une part d’effervescence au moment du coup de feu. Par la suite, j’ai œuvré dans des restaurants étoilés, notamment au SarKara, à Courchevel et chez Anne-Sophie Pic à Lausanne.
Comment définiriez-vous votre pâtisserie ?
T.C. : J’aime les desserts régressifs, réinventer un riz au lait, une poire Belle-Hélène, une pêche Melba… Pour moi, le bonheur est dans la simplicité. Je réfléchis toujours mes compositions en triangle, avec un élément principal et deux autres qui gravitent autour, comme des épices ou un agrume. Je n’utilise pas plus de trois aromatiques par dessert et les décline ensuite sous différentes textures.
Où trouvez-vous l’inspiration pour créer de si beaux visuels dans l’assiette ?
T.C. : Quand nous avons ouvert l’hôtel, et comme j’ai un esprit très carré, j’ai travaillé avec des pochoirs pour réaliser des formes géométriques facilement démultipliables pour les desserts sur assiettes. C’est devenu un peu ma marque de fabrique. Pour le reste, je me laisse inspirer par l’art, les objets, le paysage ou encore le lac.
Comment êtes-vous arrivé à Genève ?
T.C. : À 27 ans, je cherchais un nouveau challenge. C’est sur les réseaux sociaux que j’ai rencontré Olivier Jean, Chef exécutif de The Woodward. L’idée de travailler dans un hôtel avec deux restaurants qui ambitionnaient de figurer dans les guides m’a tout de suite tenté. Pour moi, c’était un fabuleux défi. Je ne m’attendais pas à être Chef pâtissier à 27 ans. J’ai travaillé d’arrache-pied, sans rien lâcher pour être à la hauteur de la chance que l’on m’a donnée, de la confiance qu’on m’a accordée et de la liberté de créer dont je bénéficie au quotidien.
Beaucoup de pâtissiers et chocolatiers français en Suisse travaillent avec un grand couverturier de l’Hexagone. Pas vous. Pourquoi ?
T.C. : J’ai d’emblée fait le choix d’utiliser des produits suisses, comme le chocolat Felchlin, qui est d’une très grande qualité. Le beurre est suisse aussi, tout comme le sucre, la farine et les fruits que nous travaillons au fil des saisons, à quelques exceptions près. Nos œufs viennent de la ferme du Lignon. Nous avons la chance de travailler avec un excellent primeur qui nous propose toujours la meilleure qualité et est à notre écoute en permanence.
Une dernière question un brin indiscrète. Vous mesurez 1 m 97, pesez 82 kilos, et pourtant votre quotidien est fait de sucre, de beurre, d’œuf, de farine, de chocolat, de crème, de fruits. Quel est votre secret ?
T.C. : J’essaye de manger équilibré et je fais aussi du sport, parfois très tôt le matin, ce qui me permet de garder la forme.
Propos recueillis par Manuella Magnin