Réviser la loi sur la protection de l’environnement pour promouvoir une «économie verte»?Alors que les entreprises suisse font déjà de gros efforts et parviennent à de très bons résultats par des actions volontaires, rien ne justifie que l’on se lance dans une politique dure et coûteuse, fondée sur des notions contestées et difficilement mesurables.
Réduire l’«empreinte écologique» de la Suisse?
Le Conseil fédéral avait annoncé l’année passée qu’il n’entendait pas soutenir l’initiative populaire «Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (Economie verte)», mais qu’il souhaitait tout de même proposer, à titre de contre-projet indirect, une révision de la loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE). Après une procédure de consultation, le projet a été transmis aux Chambres (objet 14.019) où la commission du Conseil des Etats a commencé son examen. Tant l’initiative que le contre-projet du Conseil fédéral s’appuient sur la notion d’«empreinte écologique» et sur l’idée qu’il faut restreindre la consommation de ressources naturelles en développant une économie «verte» capable de gérer ces ressources de manière plus rationnelle. Cela passe notamment par diverses restrictions, par la promotion des technologies propres, ou cleantech, ainsi que par la responsabilisation des consommateurs au moyen d’informations supplémentaires. Si l’initiative populaire ne s’embarrasse pas de nuances – ayant peut-être été conçue comme un simple appât pour un contre-projet–, la révision de la LPE telle que proposée est elle aussi manifestement excessive. De vives critiques lui ont été adressées déjà au stade de la procédure de consultation.
Des ambitions démesurées et coûteuses
La notion d’empreinte écologique, qui amalgame et pondère de manière complexe un grand nombre de critères, ne repose sur aucun consensus scientifique; à ce titre, elle est contestable et contestée et il n’est pas acceptable qu’on la légitime en tant qu’élément fondamental de la politique environnementale, voire de la politique économique. La volonté de développer les cleantech est louable. Il faut toutefois garder à l’esprit que ces dernières ne représentent actuellement que 3 à 3,5% de la création de valeur annuelle en Suisse. Même en escomptant un potentiel de développement important, il serait déraisonnable de tout miser sur ce segment de niche et de négliger, voire de prétériter, toutes les autres technologies quine bénéficient pas de ce label.
Quant à l’ambition de documenter l’utilisation des ressources naturelles et d’informer les consommateurs, elle imposerait aux entreprises de fournir une quantité disproportionnée de données difficilement accessibles, et d’accumuler toujours plus de déclarations environnementales sur les emballages, inquiétant ainsi le public sans pour autant lui donner des éléments d’appréciation objectifs. Pour les entreprises suisses, ces charges administratives entraîneraient aussi une perte de compétitivité face à la concurrence étrangère.
L’économie suisse est déjà verte!
Le Conseil fédéral tente donc d’imposer une politique dure, douloureuse pour l’économie helvétique. Cette dernière aurait-elle donc besoin de cela pour se comporter de manière responsable? En fait, c’est tout le contraire: l’économie suisse occupe aujourd’hui une place de leader mondial dans la gestion efficace des ressources naturelles et de l’énergie. Tant les entreprises que les consommateurs manifestent un intérêt évident pour le recyclage, là où il est rationnel (96% du verre, 92% des canettes en aluminium, 81% du PET, 93% des emballages de boissons). Dans le domaine industriel, la Suisse se positionne comme exportatrice nette de ressources. Plusieurs classements internationaux placent la Suisseau premier rang non seulement en matière de protection de l’environnement, mais aussidans la conciliation entre cette protection etla nécessaire prospérité. On a donc tort d’envisager l’activité économique comme intrinsèquement nuisible à l’environnement: la réalité est que les efforts volontaires déployés par de nombreuses branches produisent des effets positifs considérables. On peut toujours faire mieux, mais une intervention brutale et contraignante de l’Etat ne réussirait qu’à pénaliser, à démotiver et à déresponsabiliser ceux qui s’engagent aujourd’hui quotidiennement pour une économie à la fois respectueuse et performante. Le projet de révision de la LPE dans l’optique de l’«économie verte» ne tient aucun compte de cette réalité; il faut éviter qu’il aboutisse.
(PGB)