Deux ou trois choses à propos du vin

Imaginons nos crus exhalant une odeur de  gas-oil, ou d’oignon provenant de ceux que l’on stocke dans une autre partie de la cave.

Produit vivant, le vin est sensible aux variations de ses conditions de stockage. Actuellement, la plupart des bouteilles de vin sont encore fermées par des bouchons de liège, une fermeture pas toujours totalement étanche: des odeurs fortes peuvent donc, venant de l’extérieur,  s’insinuer dans un flacon.

Ce n’est guère fréquent, mais c’est un risque à éviter à tout prix: il faut donc éviter de stocker des produits odorants dans la cave à vin.

Mais le vin est tout aussi sensible aux ultraviolets, raison pour laquelle la plupart des bouteilles ont une coloration brune ou verte, qui sert à filtrer une bonne partie de ces rayonnements (une bouteille claire ne filtre rien du tout).

La plus sûre façon d’éviter ce type d’altération, qui provoque souvent des goûts très déplaisants dans un vin, est de conserver les bouteilles à l’abri de la lumière.

Comment la couleur nous renseigne sur l’âge du vin
La couleur du vin s’altère avec le temps, au contact avec l’air.  Cet effet, l’oxydation, a pour résultat visible un brunissement progressif de tous les vins rouges, avec une rapidité qui va dépendre de la nature du vin, de son élaboration, des conditions de stockage et de la relative étanchéité du bouchon ou de la capsule.

Pour un vin rouge, ce brunissement peut prendre plusieurs années, voire des décennies. Il s’accompagne d’une perte, de par la lente précipitation de particules colorantes en suspension, de la couleur bleu-violet qui provient de la peau des raisins).

Un Bordeaux, par exemple, aura une couleur intense et sombre dans sa jeunesse, puis il va progressivement s’éclaircir et virer au rouge foncé, puis vers la brique foncée, pour finir dans des tons plus clairs et ambrés.

Pour le vin blanc, il n’y pas de perte de couleur, puisqu’il n’a pas particules colorantes. Au contraire, l’oxydation va progressivement foncer sa couleur. Un blanc très pâle dans sa jeunesse, et d’un ton jaune-vert, deviendra de plus en plus doré, pour, après des décennies, acquérir des tons ambrés.

Chaque type de vin possède sa propre composition, donc son propre profil d’évolution des couleurs de la robe.

Pourquoi on «trinque» avant de boire
Trinquer vient de l’allemand trinken, boire. Dans notre langue, mais aussi en italien, le verbe signifie boire en choquant les verres (ou autres godets): on ne doit donc pas dire trinquer les verres.

Cette habitude remonte au temps où, dans l’Italie des XVIe et XVIIe siècles, il pouvait être dangereux de boire avec son hôte: certains avaient la fâcheuse habitude de chercher à vous empoisonner s’ils vous considéraient comme un ennemi, réel ou potentiel. Malgré ces comportements peu recommandables, on conservait une sorte de politesse de façade en s’obligeant à accepter les invitations, car un refus aurait été suspect.

A cette époque, le vin était, le plus souvent, servi dans des gobelets en métal (étain, argent ou or). La parade consistait donc à choquer assez fortement le gobelet de son hôte avec le sien, pour que quelques gouttes du liquide passent de l’un à l’autre. Si l’hôte buvait d’abord, tout allait bien!

Si on buvait ensemble, on se regardait dans les yeux pour déceler d’éventuelles réticences de la part de l’autre et pouvoir, au besoin, s’abstenir de boire à temps: il ne fallait, bien sûr, jamais boire le premier! On buvait donc «à la santé», en fait, «à la survie»!

Plus personne n’empoisonne ses invités, et tout le monde ou presque boit dans des verres qui ne supporteraient pas le choc nécessaire à la manœuvre, on a conservé cette habitude de toucher les verres, les faisant tinter (ou «trinquer»).

A titre personnel, je trouve préférable d’en définir une raison plus actuelle et plus proche de ce que représente le plaisir de partager la magie du vin: souvent, trop souvent, le rythme fou de la vie quotidienne ne nous laisse plus de temps pour échanger.

Alors, quand vient le temps de partager une bonne bouteille avec ses convives, amis, famille, nous espérons tous vivre un bon moment ensemble.

Il faut, pour cela, n’oublier aucun de nos sens: le toucher du verre, l’odeur sensuelle, un gout élégant, et, pour qu’il n’y manque pas le plaisir de l’ouïe, trinquons.

Trinquons au plaisir de partager du…plaisir.

JP Ulysse

Photo: Les vins rouges virent au clair quand ils sont oxydés. © DR