La Confédération met les aéroports internationaux sous pression

La conseillère fédérale Doris Leuthard voudrait que la Confédération puisse fixer des objectifs de développement contraignants aux trois aéroports internationaux. Le motif: les goulets d’étranglements que connaissent les plaques tournantes que sont Zurich et Genève entravent le développement de ces deux aéroports. Il en résulte des retards fréquents qui affaiblissent la compétitivité de ces aéroports par rapport à ceux d’autres pays.

Les liaisons aériennes internationales de la Suisse
L’aviation a une importance capitale dans une économie globalisée. Les liaisons aériennes internationales rattachent la Suisse au monde et permettent aussi bien les échanges que le commerce avec les autres pays. Etant donné que l’économie suisse est résolument orientée vers l’international, elle doit pouvoir compter, plus encore que d’autres places économiques, sur un réseau aérien dense de lignes directes vers les principaux centres économiques mondiaux. Le rapport sur la politique aéronautique du Conseil fédéral (Lupo) estime les retombées économiques directes des aéroports de Zurich, Genève et Bâle-Mulhouse à environ 6,7 milliards de francs par an, démontrant par là leur importance. D’ailleurs, 30 à 35% de l’ensemble des touristes arrivent en Suisse par avion et cette tendance ne cesse de croître. Pour l’aéroport de Zurich, par exemple, le nombre annuel de passagers est passé de 17 à 26 millions entre 2003 et 2015. L’aéroport de Genève, quant à lui, a enregistré une affluence record de 15,8 millions de passagers en 2015. 
La qualité des liaisons internationales de la Suisse n’est cependant pas pérenne et dépend de la compétitivité de nos aéroports. Or ces infrastructures, aussi importantes soient-elles, restent néanmoins largement interchangeables; cette caractéristique génère une concurrence féroce entre les différents aéroports européens. La compétitivité de nos aéroports dépend de plusieurs facteurs au premier rang desquels figurent la capacité et la ponctualité. Les aéroports de Genève et de Zurich sont déjà exploités à la limite de leur capacité. Il suffit d’une forte bise pour que des retards s’amoncellent jusqu’à tard dans la soirée. Aux heures de pointe, ni Zurich, ni Genève, n’arrivent à honorer les demandes de créneaux horaires (Slots), ce qui n’est guère étonnant quand on sait que tant le trafic de ligne que celui des charters s’effectue sur les mêmes pistes depuis quarante ans. La situation est tout autre dans les différents aéroports européens qui cherchent sans cesse à se développer. Dernier exemple en date, celui de la Turquie qui planifie de mettre en service, d’ici à 2018, un aéroport capable de gérer 150 millions de passagers par an. En guise de comparaison, on se rappelle que Zurich a géré 26 millions de passagers en 2015. Autant être clair: la gestion des flux de transports est un instrument de politique industrielle.

Pas de main mise de la Confédération
Afin de maintenir à l’avenir les liaisons internationales de la Suisse, la Confédération voudrait pouvoir fixer aux aéroports internationaux, par le biais du plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique (PSIA), des objectifs de capacité et de prestations contraignants. On peut légitimement se demander si le PSIA est l’outil adéquat pour définir par exemple les périodes d’ouverture minimale des aéroports internationaux. En 2004, le Conseil fédéral avait déjà examiné s’il devait incomber à 
la Confédération d’assumer la gestion des aéroports internationaux. Pour des raisons financières et de fédéralisme, le Conseil fédéral avait conclu que la gestion de ces aéroports devait rester de la compétence exclusive des cantons. D’ailleurs, faute de base constitutionnelle, les seules considérations fédéralistes suffisent à s’opposer aujourd’hui, comme hier, à ce que la Confédération prenne des mesures d’aménagement du territoire concernant l’infrastructure des aéroports. De telles mesures ne devraient même pas être prises dans le cadre de l’application des différentes étapes de développement envisagées par le rapport sur la politique aéronautique. 
Les cantons qui abritent des aéroports internationaux n’en tirent pas seulement les avantages, ils doivent aussi en supporter les charges. Il faut donc tenir compte de leur point de vue. Toutefois les aéroports internationaux revêtent une importance capitale pour l’économie du pays; ils appartiennent d’ailleurs, à l’instar des routes nationales ou des voies de chemin de fer, aux infrastructures de base de la Suisse. Cela implique, pour le canton concerné, des responsabilités particulières.

Oui aux impulsions, non à l’intrusion 
Appliqué à l’aéroport de Zurich, ce mot d’ordre signifierait que la Confédération puisse définir, par exemple via le PSIA, les possibilités de décollage plein sud pendant les heures de pointe de la mi-journée. Ce serait simplement une possibilité offerte par la Confédération. Pour la transposer dans les faits, l’aéroport de Zurich devrait en faire l’évaluation, puis il reviendrait au Conseil d’Etat zurichois de trancher la question eu égard aux nuisances sonores que cela engendrerait. 
On peut espérer que ce mode de faire permette de surmonter les blocages nuisibles aux liaisons internationales du pays.

Pierre-Gabriel Bieri