Pierre-Michel Delessert: «Je suis très sensible à la vision d’ensemble.»

Comment êtes-vous devenu photographe?
Le déclic s’est produit avec la rencontre d’un homme exceptionnel, pas un grand nom, mais un professionnel de ce temps-là, sérieux et passionnant, qui m’a appris à appréhender la lumière sur les modèles horlogers. Je suis tombé dedans!

Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts?
Je suis parti en Turquie pour mon premier reportage, parce que j’avais envie de voyager. Je suis resté sur place suffisamment longtemps pour me débrouiller en turc. Il m’en reste de grands souvenirs et quelques photos dans un livre. A mon retour, j’ai monté un atelier à Lausanne à une époque où la publicité était très porteuse. Ainsi, j’ai pu monter un studio parallèle, à Paris. Les affaires marchaient vraiment bien. Et j’avoue avoir eu de grands mandats pour des marques de cigarettes, pour de l’or ou de la fourrure, des sujets politiquement incorrects aujourd’hui, mais qui ne l’étaient pas dans les années 1980. C’était l’époque où, quand il fallait un fond indien, nous partions avec une équipe sur place, ou à Miami. C’était le temps sans logiciels… Ma chance est surtout d’avoir été un laborieux, un méticuleux.

Comment avez-vous fait la transition entre publicité et gastronomie?
Il y a 18 ans, un client m’a proposé de contribuer au Guide des grandes tables de Suisse. J’ai pu voyager partout dans le pays et voir que dans les cuisines de restaurants haut-de-gamme, on a souvent affaire à des ego, des caractères. Il y a des choses passionnantes qui s’y passent, mais aussi d’autres plus rébarbatives. Roland Pierroz, le chef à Verbier, m’a vivement encouragé à tenir, malgré les résultats que je produisais, à poursuivre les mises en scène culinaires. Cela m’a amené auprès de Frédy Girardet, de Philippe Rochat ou encore de Benoît Violier. Au total, j’ai contribué à une trentaine d’ouvrages sur la gastronomie.

Personnellement, êtes-vous amateur de cuisine?
Je goûte toujours ce que je prends en photo, même si je ne suis pas un vrai gourmet. J’aime quand les saveurs ne sont pas trop mélangées. La présentation est pour moi très importante, bien entendu. Comme beaucoup, je suis très sensible à la vision d’ensemble. J’aime regarder, imaginer le plat et son goût. Je me suis développé en faisant ce métier de photographe. J’adore les choses simples. 

Quelles sont les contraintes du photographe culinaire?
Tandis que le chef s’active, je mets en place les lumières. Parfois, on prépare une maquette pour avoir une meilleure idée du résultat. Je m’adapte au rythme du cuisiner et suis au-dessus des fourneaux à sentir les vapeurs et les effluves, avec lui. J’ai remarqué que les photos sur le vif ont un meilleur rendu avec la pression. Une fois la mise en place faite, tout est terminé en une minute. Ensuite, tout meurt. Il arrive que l’on ait à recommencer, mais quoi qu’il arrive, on travaille en vrai, tout au plus, un peu de vaporisateur pour augmenter la fraîcheur d’une salade.

Propos recueillis par Benjamin Philippe

Photo: Pierre-Michel Delessert, photographe professionnel. / © Photos: PMD