Emploi dans la restauration: le défi du changement sociétal

Premier août 2023, à la table du Gornergrat Kulm Hotel, sis à 3120 m d’altitude, les touristes asiatiques sont aux anges. Fête nationale oblige, la raclette est au menu avec quelques charcuteries locales. Un cuisinier grec se démène tant bien que mal pour faire couler le fromage fondant dans les assiettes. Au service, une Ukrainienne et un Hongrois affichent un sourire radieux. L’établissement a de la chance, même si le racleur manque un peu de technique, au moins il a trouvé du personnel ravi de faire la saison estivale.

Ailleurs dans le pays, pour les professionnels de l’hôtellerie-restauration, recruter du personnel enthousiaste relève de plus en plus de la quadrature du cercle. Pourtant, selon les chiffres du Secrétariat d’État à l’Économie (SECO) publiés en août, si le taux chômage en Suisse reste bas (1,9%), le nombre de personnes inactives dans l’hôtellerie et la restauration est, lui, élevé (3,7%).

Pour Laurent Terlinchamp, président de la Société des Cafetiers, Restaurateurs et Hôteliers de Genève, cette dichotomie entre offre et demande est un peu incompréhensible. Au point de s’interroger sur ce que cachent les chiffres du chômage : « Il se peut que des demandeurs soient inscrits dans la catégorie hôtellerie-restauration alors qu’ils n’ont œuvré que brièvement dans ce secteur et sont au bénéfice d’un autre diplôme, mais il ne faut non plus pas sous-estimer le fait que bon nombre de personnes ne veulent plus s’engager dans nos métiers ».

Nouveaux modèles 
La pandémie est passée par là. Les jeunes ont changé leur regard sur le monde. Ils ne veulent plus vivre pour travailler, mais travailler pour vivre. Aujourd’hui, la revalorisation des salaires dans la branche, qui offre un 13e pour tous, 5 semaines de congé par année, auxquels il convient d’ajouter les jours fériés, ne suffisent pas à convaincre les candidats potentiels. Avec l’arrivée prochaine des baby-boomers à la retraite, il est urgent de se préparer à l’avenir. « Plutôt que de voir cela comme une catastrophe, il faut considérer cette période transitoire comme une opportunité », martèle Laurent Terlinchamp. Des esquisses de solutions ? Proposer des horaires et des jours de congé en adéquation avec les exigences des travailleurs, comme, par exemple, la semaine de 4 jours, ou encore favoriser le temps partiel.

Quid d’une rémunération au pourcentage du chiffre d’affaires comme l’a introduite un restaurateur zurichois cette année ? Avec un salaire pouvant aller jusqu’à CHF 16 500.- par mois pour un serveur, comme l’a relaté la presse cet été, il y aurait de quoi attirer des vocations. « C’est bien pour les établissements qui travaillent énormément, nuance Laurent Terlinchamp, et c’est autorisé par la CCNT, mais à Genève, ce modèle est difficilement applicable car la majorité des restaurants affichent un chiffre annuel de CHF 600 000.-. »

Manuella Magnin