Le mot « apéritif » désigne aujourd’hui une boisson censée ouvrir l’appétit, mais aussi, par extension, la petite collation qui parfois l’accompagne. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, ce terme avait une connotation strictement médicale, clairement purgative, qui n’avait rien de convivial, et encore moins de festif.
Issu du latin « aperire », qui signifie « ouvrir », le mot « apéritif » fit sans doute son apparition en vieux français vers le XIIIe siècle. Il est attesté, trois siècles plus tard, dans le Livre des simples, un ouvrage médical qui réunit les textes d’un grand nombre de manuscrits médiévaux consacrés aux substances végétales, animales ou minérales supposées posséder des vertus thérapeutiques. On y passe en revue diverses plantes dites « apéritives » dont on pensait qu’elles pouvaient « ouvrir les différentes voies d’élimination du corps humain ».
Un « clystère apéritif »
Dans son Dictionnaire universel, publié en 1690, le poète, fabuliste et lexicographe français Antoine Furetière donne pour « apéritif » la définition suivante : « Terme de médecine, qui se dit des remèdes qui ôtent l’obstruction des passages des humeurs ».…
Il faut attendre 1750 pour que, dans son Dictionnaire des aliments, l’écrivain François Alexandre Aubert de La Chenaye-Desbois signale le poivre noir et le poivre blanc comme étant des « apéritifs », capables d’ouvrir l’appétit, tout en aidant à la digestion. Mais ce n’est que vers la fin du XIXe siècle que s’imposa dans les dictionnaires la définition selon laquelle un « apéritif » est une boisson « ouvrant l’appétit ».
Les apéritifs grecs et romains
Les premières traces de ce qui pourrait s’apparenter à un apéritif datent de la Grèce antique. Les anciens Hellènes avaient pour habitude de boire du vin dilué lors de leurs symposiums, ces réunions où on parlait de philosophie. Le vin était alors un moyen de sociabilisation. Les Romains étaient quant à eux des adeptes du « Vinum opertivum », un vin prévu pour ouvrir l’appétit avant les grands banquets.
C’est en 1846 qu’une boisson élaborée pour lutter contre le paludisme devint la première boisson réellement apéritive. Cette année-là, Joseph Dubonnet, un chimiste français, créa une mixture à base de vin et de quinine. Il y ajouta des herbes et des épices pour couvrir son goût amer. D’abord consommé par les soldats de la Légion étrangère, en Afrique du Nord, ce breuvage fut servi par la femme du chimiste à ses hôtes et amis, avant de se populariser dans les bistrots.
De nos jours, le Dubonnet se compose de différents vins rouges. Il est raffiné avec de l’écorce de quinquina, des zestes d’orange, des grains de café non torréfiés, ainsi que diverses herbes et épices. Mais il a depuis longtemps été détrôné pas d’innombrables autres boissons apéritives, à commencer par le vin blanc, le Chasselas notamment, qui a les faveurs de nombreux Suisses romands.
Georges Pop