Edito: Tabac: un projet de loi aux effets nocifs

La Confédération envisage une nouvelle loi sur les produits du tabac, qui renforcerait considérablement les interdictions de publicité et de promotion, et réglementerait par ailleurs sévèrement l’usage des cigarettes électroniques. Tout porte à croire que ces mesures entraîneraient davantage d’effets négatifs que positifs.

Des nouveautés supposées réduire la
consommation
Un avant-projet de loi sur les produits du tabac (LPTab) est actuellement en consultation, jusqu’à mi-septembre. Le texte reprend un certain nombre de dispositions incluses jusqu’ici dans la loi sur les denrées alimentaires, et y ajoute des nouveautés supposées réduire la consommation de ces produits et limiter les effets nocifs liés à leur consommation. Parmi ces nouveautés, on trouve notamment des dispositions relatives aux cigarettes électroniques, ainsi qu’un renforcement sévère des restrictions de publicité, de promotion et de parrainage des produits du tabac. La volonté de préciser la réglementation applicable aux cigarettes électroniques est louable; la manière de s’y prendre, en revanche, est singulière. Ainsi, le projet mis en consultation se montre peu regardant sur le contenu des «e-cigarettes», en autorisant notamment l’ajout de nicotine, mais les assimile parallèlement aux produits du tabac, les soumettant ainsi quasiment aux mêmes restrictions et interdictions. Toutes les cigarettes électroniques seraient ainsi proscrites, au même titre que les autres cigarettes, dans les lieux publics ou ouverts au public, ainsi que sur les lieux de travail. Au chapitre de la publicité, celle-ci serait interdite dans la presse écrite, sur les affiches publiques, sur internet, dans les cinémas, ainsi que sur «les objets usuels qui n’ont aucun rapport avec les produits du tabac», par exemple les vêtements ou les parasols. Diverses autres formes de promotion seraient entièrement ou substantiellement proscrites (distributions, rabais, cadeaux, parrainages, etc.). Les quelques actions de publicité, de promotion ou de parrainage qui resteraient autorisées devraient faire l’objet de communications annuelles à l’O8 ce fédéral de la santé publique, avec indication des montants consacrés. Le texte mis en consultation interdit en outre la remise de produits du tabac à des mineurs, ainsi que la transmission par une tierce personne dans le but de contourner cette interdiction. Le respect de cette réglementation pourrait être contrôlé au moyen d’«achats-tests» où des mineurs tenteraient d’acquérir de tels produits. 

Le principe de proportionnalité 
n’est pas respecté 
A la lecture de ce projet, on constate que, comme cela est devenu une habitude en matière de lutte contre le tabagisme, les autorités s’affranchissent allègrement de la nécessité de respecter le principe de proportionnalité. Ce dernier implique que les mesures envisagées doivent être aptes à atteindre le but visé. Or, quel effet peut-on attendre d’une interdiction quasi générale de la publicité pour le tabac? Cette publicité vise surtout à orienter le choix des fumeurs vers telle ou telle marque, plus qu’elle n’entraîne véritablement de nouvelles personnes dans ce vice. Les auteurs du rapport explicatif admettent que les effets des mesures proposées sont difficiles à évaluer; selon certaines recherches, même une interdiction rigoureuse de toute forme de publicité et de promotion ne réduirait la consommation que d’environ 7%. En d’autres termes, la nouvelle loi aurait des effets économiques négatifs sur des branches autres que celles liées au tabac, mais un impact insignifiant en matière de santé publique. Est-ce vraiment le but recherché? Quant aux cigarettes électroniques, le fait est que, toujours selon le rapport explicatif, leurs effets sur la santé ne sont pas clairement établis mais sont en tous les cas nettement moins graves que ceux des cigarettes traditionnelles. Soumettre ces produits dont on ignore le degré de nocivité aux mêmes restrictions que les produits du tabac apparaît dès lors comme une atteinte disproportionnée à la liberté économique et à la liberté personnelle: le résultat prévisible et absurde d’une telle politique sera de dissuader les fumeurs de se tourner vers des produits de substitution moins nocifs! 

La politique actuelle 
ne produit guère de bons effets
Personne ne nie que la fumée nuit à la santé, et il faut assurément poursuivre les efforts de prévention afin qu’un maximum de jeunes se détournent d’une telle pratique. En revanche, les tentations prohibitionnistes, visant des produits pourtant acceptés depuis plusieurs siècles dans nos sociétés, amènent davantage de problèmes que de solutions – sans compter que l’Etat n’ose jamais imposer une prohibition totale, de peur de perdre de substantielles recettes fiscales. De même, les statistiques catastrophistes, qui tendent à faire croire que notre population en constante augmentation est décimée année après année par la consommation de tabac, suscitent aujourd’hui tantôt des sarcasmes, tantôt de l’indifférence, et modifient assurément peu le comportement des individus. La politique suivie aujourd’hui par la Confédération donne peut-être bonne conscience à certains, mais elle ne produit guère de bons effets. L’avant-projet de loi mis en consultation ne fait que renforcer ce constat.
(PGB)