In memoriam, André Curchod 1928 – 2014

Certains parcours de vie s’apparentent à un destin et c’est particulièrement vrai de l’histoire d’André Curchod qui est intimement liée au développement de Genève. 

Né à Couvet, dans le Val-de-Travers en 1928, André Curchod et ses trois frères suivent leurs parents qui reprennent une épicerie à Carouge au début des années 1930. C’est ensuite le chantier du CERN qui lui mettra le pied à l’étrier, il a l’idée de livrer aux ouvriers du chantier, bières et cervelas puis très vite des repas confectionnés par son épouse. Il servira alors jusqu’à 400 couverts par jour dans les baraquements construits à cet usage. C’est le début d’une formidable aventure qui le conduira jusqu’à organiser en 1997, pour le compte de Swisscom, «le banquet du siècle» pour 26 500 convives. Jean-Luc Piguet, vice-président de la société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève (SCRHG) qui a longtemps été un proche collaborateur d’André Curchod se souvient d’une serveuse paniquée à l’ouverture des accès à la manifestation, qui avait détalé devant la foule et qu’il avait fallu rassurer pour qu’elle prenne son service. C’est dire à quel point, l’événement était exceptionnel. Avant d’en arriver là, André Curchod aura tout d’abord ouvert son premier restaurant, «Le Dôme» puis dès 1955 créera la société Télé-Restaurant avec déjà l’idée de centraliser la production de mets pour les distribuer sur plusieurs sites.

Passion, travail et humanisme
La passion, le premier moteur d’André Curchod qui dès son plus jeune âge est animé de cette soif d’entreprendre et de réussir malgré les obstacles et qui toute sa vie considérera son métier comme le plus beau du monde. Le travail, bien sûr, il est de cette génération pour qui cette valeur a encore du sens et son fils Yves se rappelle encore ses recommandations: «Quand on travaille, on travaille. Quand on s’amuse, on s’amuse.» Maxime aussi courte qu’explicite et qui résume si bien la philosophie du patriarche. Humaniste, enfin, comme en témoigne l’immense majorité des quelques centaines, voire milliers de collaborateurs qui ont travaillé au sein du groupe. André Curchod tenait par exemple à être présent à chaque fin de Salon de l’auto après plus de 200 000 repas servis en 11 jours. Il adressait alors un mot à chacun pour leur témoigner sa reconnaissance.

Un développement à l’international
Déjà aux débuts des années 1970, André Curchod ouvre le «Boccalino» à Bruxelles, la réplique de l’établissement de Genève dont le succès l’incite à reprendre ou créer d’autres restaurants dans la capitale belge comme le Christian’s, l’une de ses plus belles réalisations. Puis ce sera l’Espagne, le Venezuela, le Canada et même l’ouverture du «Chalet Suisse» à Abidjan en Côte d’Ivoire dont les raclettes et les fondues connurent un grand succès malgré la chaleur du pays. Impossible de tous les citer puisque le groupe Télé-Restaurant gérera jusqu’à 140 établissements sous diverses formes: pour son propre compte, en management pour le compte de tiers, en partenariat ou encore en louant à des gérants libres certaines affaires. Avec l’obtention de la concession de l’exploitation des restaurants de Palexpo, André Curchod se lancera avec toujours autant de succès dans l’organisation de grands événements comme le banquet Renault en 1983 pour 4 600 convives jusqu’au «banquet du siècle» à Olten avec 1km de buffets et 145 mets différents proposés.

Pour le groupe l’aventure continue
Soucieux d’assurer la pérennité du groupe qu’il a constitué tout au long de sa carrière, André Curchod organise dès 1995 la transmission de ses activités à ses enfants. C’est ainsi que Yves créera la société Télé-Restaurant SA, laissant ainsi toute autonomie à son père de gérer ses propres affaires, de développer les siennes, mais également de collaborer aux projets communs. Sa fille Carole, quant à elle rejoindra également le groupe et siège aujourd’hui au conseil d’administration d’ExpoGourmet. C’est en 2005, à presque 80 ans qu’André Curchod prendra sa retraite pour se consacrer à l’une des autres de ses passions, le golf. 
Le 24 septembre dernier, paisiblement entouré des siens, il nous a quittés. L’une des dernières grandes figures de Genève s’en est allée après avoir marqué la profession de son empreinte et avoir bâti un groupe hôtelier et de restauration qui compte aujourd’hui plusieurs centaines de collaborateurs.

Frédéric Finot