La culture du café est une affaire de femmes

Fairtrade a montré aux caféiculteurs colombiens comment fonctionne l’égalité entre les sexes. Le témoignage de Luz Emilia en est l’exemple. Rencontre. 

A 48 ans, Luz Emilia Rojas Sánchez exploite une plantation de café avec l’aide de ses deux fils. La saison de la récolte commence, et avec elle, la période la plus difficile de l’année pour les Rojas. Aidés d’un cueilleur saisonnier, Luz et ses deux fils vont travailler pendant plusieurs semaines sur les coteaux abrupts. Ils récoltent environ 300 kilogrammes de cerises par jour qui doivent être lavées, décortiquées puis séchées dans une installation située derrière la maison. 

La plantation de Luz se situe dans le département d’Antioquia. Cette région concentre la majeure partie du café cultivé en Colombie qui est le troisième producteur mondial de café. Tout comme près de 11 000 petits producteurs de café, les Rojas sont membres de la coopérative «Caficultores de Antioquia». La fédération qui siège à Medellín, capitale de la province, est une véritable porte sur le monde pour les Rojas. En effet, c’est elle qui exporte le café de leur plantation vers l’Europe et les États-Unis.

Faute de demande suffisante, la coopérative n’écoule qu’une partie des récoltes sous le Label Fairtrade. Les Rojas vendent la totalité de leur production en équitable. Ainsi, leur coopérative obtient un prix minimum garanti pour leur marchandise. Elle est donc plus à même de planifier, sans dépendre des fluctuations du cours mondial du café. Et conformément aux Standards, la coopérative obtient 20 centimes de prime par livre de café pour des projets communautaires. Luz estime que bien des choses ont changé grâce à Fairtrade.

«Notre exploitation familiale réussit à s’en sortir. Nous ne nous contentons pas de cultiver du café – nous élaborons un produit de qualité qui est synonyme de qualité de vie. J’en suis fière», déclare-t-elle.

L’agronome Gonzalo David Rueda rend souvent visite aux Rojas. Sa mission consiste principalement à soutenir les petits producteurs de café qui manquent souvent de tout. «Pour une organisation comme la nôtre qui rassemble 98% de petits producteurs, il est fondamental de pouvoir s’appuyer sur des initiatives internationales comme Fairtrade». Pour les paysannes et les paysans, l’essentiel est de pouvoir cultiver leur terre eux-mêmes ou avec l’aide de leur famille. La plupart d’entre eux possèdent moins d’un hectare.

C’est le cas de Luz Emilia Rojas Sánchez qui a élevé seule ses enfants. Rien ne la prédestinait à devenir propriétaire d’une plantation. Sa famille travaillait dans le secteur minier. «On a longtemps considéré que la culture du café et l’adhésion à une coopérative étaient réservées aux hommes. En tant que femme, je me suis donc sentie inférieure et mes possibilités étaient très limitées.» Mais les choses ont changé: «Beaucoup de femmes ont leur entreprise et assument l’entière responsabilité de leur plantation. La culture du café se démocratise et devient plus participative». Fairtrade a joué un rôle essentiel à ce niveau. 
Son plus grand souci est de voir disparaître les petites exploitations. Les jeunes de la région partent s’installer en ville. Luz souhaite transmettre ses connaissances sur la culture du café à la nouvelle génération. Les choses s’annoncent bien. La caféicultrice est en train de suivre un cours en compagnie de l’un de ses fils afin d’apprendre comment développer leur propre marque de café. Son rêve le plus fou? Que la Colombie produise une plus grande partie de la valeur ajoutée localement.

Luca Pugliafito

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