La gastronomie moléculaire, atouts, tests et avenir

Depuis l’antiquité, on se penche sur les transformations physico-chimiques issues de la cuisson des aliments.

En 1783, Lavoisier étudiait le bouillon de bœuf, et en 1847, Antonin Carême, premier chef reconnu comme tel, débute son traité en écrivant que l’on fait de la chimie quand on cuisine. En 1988, Hervé This crée la gastronomie moléculaire, avec Nicholas Kurti, disparu depuis. Se référant à la biologie moléculaire, inventée pour désigner une nouvelle biologie avec usage de méthodes chimiques et physiques, This et Kurti proposent d’introduire l’étude physico-chimique des transformations culinaires (macération, caramélisation, doubles cuissons…).

Les travaux de Hervé This et de ses adeptes ont décortiqué les mécanismes de transformation culinaire, lors de la cuisson des œufs sous une certaine forme, découvert, entre autres, l’usage d’azote liquide pour produire des crèmes glacées quasi instantanées, produit des mousses et crèmes avec seulement du chocolat et de l’eau.
 
Cette branche particulière de la science des aliments intéresse la commercialisation des plats préparés: ainsi, l’œuf est, selon l’OMS, responsable de 40% des cas de salmonellose. Les études de la gastronomie moléculaire appliquée assurent la salubrité des produits de l’industrie agroalimentaire.
 
D’autre part, il est indispensable de remplacer, dans les recettes, certaines protéines alimentaires allergisantes. Par exemple, dans un flan, on peut substituer à l’œuf de l’agar-agar, aux propriétés coagulantes comparables.

La gastronomie moléculaire permet d’explorer des pratiques culinaires pour introduire en cuisine l’usage de nouveaux outils et méthodes, et inventer des plats nouveaux fondés sur les analyses des mets classiques. La cuisine, jusqu’alors un art, devient une science.

Certains sont enthousiastes, d’autres, réticents. La tendance actuelle propice aux produits naturels et de terroir aide paradoxalement une certaine forme de gastronomie moléculaire à faire sa place dans les cuisines. Certains ont peut-être poussé le bouchon trop loin, et certains produits de substitution se sont avérés dangereux, déclenchant des infections alimentaires dans trois des restaurants réputés les meilleurs du monde…

Pour Hervé This, l’enseignement de la cuisine sera ce que nous en ferons: un système poussiéreux aux théories souvent fausses, ou un enseignement moderne, renouvelé grâce à une large place à la recherche constante.

Il répète que le cuisinier actuel est un nain perché sur les épaules de géants, qu’il doit dépasser en étant de son temps. Escoffier serait certainement désolé si la cuisine s’arrêtait à son œuvre, et il faut se fonder sur toutes les sciences qui nous permettent de dépasser Escoffier: la physique-chimie pour les textures, la biologie pour les cuissons, voire la psychologie pour le goût des consommateurs et la sociologie pour éviter les fautes de goût, etc.

Hervé This revendique que la cuisine soit éclairée par l’ensemble des connaissances dont nous disposons aujourd’hui. Devenu un fort apprécié professeur d’université, il enseigne au célèbre Collège de France, où il dirige désormais ses recherches.

JC Genoud – Prachex

Photo: Hervé This, pape de la gastronomie moléculaire. / © collège de France