Michel Perrissol

Dans sa cabane près du Jet d’eau de Genève, Michel Perrissol retire les arêtes des féras qu’il a péchées et les dégraisse, tous les jours de la semaine, ou presque. Indépendant dans les horaires, le pêcheur est tributaire de la nature, il lui arrive de rentrer bredouille ou, pire, de voir ses filets déchirer par la bise. L’hiver lui impose parfois de prendre des congés au mois de février. «En été, les restaurants ont besoin de nous, alors nous sortons le samedi aussi. Et pour garder le rythme, on se réveille de bonne heure le dimanche», remarque cet acharné de travail. «Se reposer de temps en temps, c’est nécessaire, bien sûr, mais les pêcheurs ont sans doute moins besoin de vacances que ceux qui travaillent dans un bureau ou à l’usine», philosophe-t-il. Quand il regarde le lac, le Jura, tout blanc, et les Alpes, Michel Perrissol n’en revient toujours pas «mon bureau est ici!». Il ne se lasse pas de voir au lever du jour, le soleil derrière les montagnes et les nuages orange. Sur son bateau, qui durera sa vie de pêcheur, il apprécie le calme. «A bord, c’est le seul moment où l’on peut être tranquille avec la nature».

Entre les sorties et les livraisons à faire, la journée est bien remplie. En toute discrétion. «Comme la plupart des gens, ma femme ignorait qu’il y avait des pêcheurs professionnels sur le lac, jusqu’à ce qu’elle me rencontre», raconte-t-il. En termes de vente, les particuliers représentent cependant 10% de sa clientèle. Outre la fraicheur du poisson, ils apprécient leur spécialité, la féra fumée. «Les gens ne connaissent pas assez les poissons du lac. Actuellement, la perche est à la mode, mais ce n’est de loin pas le meilleur poisson». Son oncle Maurice, pêcheur depuis 1961, peut le confirmer, les eaux du Léman sont poissonneuses, bien plus qu’ailleurs. Michel Perrissol raconte non sans fierté. «On avait travaillé avec un Corse une année. Il se faisait traiter de menteur au pays, quand il parlait du tonnage que nous faisions. Encore récemment, des Marseillais ne revenaient pas de la taille de nos brochets». 

Pour lui, «la pêche, ce n’est pas tous les jours la même chose», contrairement à l’image que s’en font les gens. «C’est beaucoup plus physique que les gens pensent. Nous ne sommes pas là avec notre canne à pêche, notre chapeau et notre pipe».

Ce père de trois enfants est toutefois soulagé de ne pas avoir transmis sa passion, «c’est un métier marginal, dur et qui paie mal». Avec eux, il partage plutôt le goût des sports d’équipe et des sports mécaniques. Reste qu’il est heureux de voir l’évolution de son activité. «Il y a des nouveaux qui n’ont pas la trentaine, à Hermance et à Versoix, c’est une bonne chose». 

Ernest Ghislain