Consommation, Des vins rouges qui vieillissent prématurément?

Certains vins rouges vieillissent trop vite. A Bordeaux, l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) met en avant les signes de vieillissement prématuré: couleur tuilée, arômes de pruneau, fruit cuit, figue. L’amateur déçu attendait un vin, il en trouve un autre. 

Les causes: une sur-maturité du raisin jusqu’au flétrissement des grains et une aération excessive, à tous les stades de l’élaboration. Les travaux de l’ISVV ont permis de caractériser plusieurs marqueurs chimiques de cet arôme particulier. 
Le principal responsable en est la méthylnonanedione, qui fait ressortir des notes d’herbe sèche, d’anis ou de pruneau. Les vins rouges trop vite vieux en contiennent des teneurs perceptibles.
Elle détermine les paramètres qui induisent sa formation dans les vins. Le merlot, par exemple, plus sensible que le cabernet, développe plus fréquemment ce type d’arôme. La manifestation d’un défaut résulte presque toujours de dérapages successifs: une récolte trop tardive, des aérations trop fréquentes pendant les fermentations et des modalités d’élevage inadaptées conduisent à une uniformisation de l’arôme. L’origine, voire le cépage deviennent alors indistincts.
Dans les années 1990, en réaction aux vins maigres des années 1970, on a encensé les vins fortement resserrés: certains ont bien vieilli, la plupart se sont effondrés.
La quantité et la qualité des raisins n’étaient alors pas celles d’aujourd’hui. Des rendements plus élevés, vendange verte et effeuillages rarement pratiqués, la composition des raisins, en phénol notamment, était plus simple. La recherche d’une extraction poussée, durant la fermentation, conduisait à des vins exagérément tanniques et apparemment puissants dans leur jeunesse, mais souvent dépourvus de l’équilibre nécessaire à un vieillissement harmonieux. Nombre d’entre eux se sont décharnés, paraissant vieux avant l’âge.
On ne maitrise pas encore vraiment les mécanismes chimiques du vieillissement prématuré des vins rouges et ce qui ralentit chez certains les effets du temps. On sait à quoi ressemble un vin rouge qui ne va pas se garder: très vite, il fait plus vieux que son âge, trop d’alcool, de tanins, de bois, comme issu d’un climat trop chaud pour ces cépages.
On continue à faire ce genre de vin, parce qu’il ne suffit pas qu’un défaut soit expliqué pour qu’il disparaisse. Les goûts d’écurie associés à la contamination des vins par les levures et le vieillissement prématuré des vins blancs, parfaitement interprétés et résolus, sont encore hélas trop fréquents. 
Enfin, une certaine critique a trop plébiscité ces vins «trop tout». Leur valeur marchande a tellement cru qu’elle a poussé les vinificateurs dans cette voie. 
En dernier recours, c’est à l’amateur de choisir et désigner les grands vins de garde. Pour inverser cette tendance néfaste, il faudrait, dix ans après, déguster à l’aveugle ces vins tant adulés jeunes, constater leur état, et surtout, publier les résultats, si dérangeants soient-ils.

JF Ulysse