Cuisinière de Mitterrand à Vieux-Bois

La cuisine mène partout y compris à l’Elysée. Danièle Mazet-Delpeuch a été la cuisinière du Président. Un film a été tiré de son aventure: «Les Saveurs du Palais» avec Catherine Frot et Jean d’Ormesson.

Danièle Mazet-Delpeuch est le porte-drapeau des cuisinières et des cuisiniers. Elle tient au mot de «Cuisinière», en cuisine bourgeoise. C’est-à-dire apprise sur le terrain, en terre périgourdine. Ici la bonté du terroir suscite les grandes professionnelles: foie gras, truffes, cèpes, noix, châtaignes, fraises. Les Charentes maritimes voisines complètent le panier avec leurs poissons, huîtres, coquillages et fruits de mer. 
Pionnière du tourisme rural et des tables d’hôtes, sa réputation l’a conduite pendant deux ans, de 1998 à 1990, à régaler les papilles du Président de la République François Mitterrand. Nous l’avons rencontrée au restaurant école gastronomique de Vieux-Bois, établissement de l’Ecole Hôtelière de Genève (EHG). Elle était invitée par son Directeur Général Alain Brunier.

Vocation tardive
«De fait, je n’ai commencé à cuisiner qu’à 20 ans, formée par ma mère et ma grand-mère. Rien ne me destinait à l’Elysée». Elle a relaté ces aventures dans le livre «Carnets de Cuisine du Périgord à l’Elysée» en 1997 et réédité en 2012 (chez Bayard Culture). Un film en est sorti: «Les Saveurs du Palais» avec Catherine Frot et Jean d’Ormesson. Il tire aussi une partie de son scénario du second livre «Ma cuisine de l’Elysée à l’Antarctique» (Bayard Culture) édité en 2016.

Donc une fermière périgourdine du hameau de La Borderie près de Chavagnac a conquis l’Elysée et les papilles du Président. «On est venu me chercher en voiture pour un soit disant parlementaire ou ministre. A l’arrivée, j’ai su que c’était pour le président lui-même. Le grand chef Joël Rebuchon m’avait recommandée auprès de François Mitterrand. Celui-ci en avait assez des plats apprêtés à la mode de l’époque. Il voulait retrouver les goûts de la campagne, ceux de sa Charente natale.»

Chausses trappes
Ils étaient donc voisins. Et François Mitterrand fut enchanté de sa cuisinière périgourdine. Elle était affectée à la cuisine privée du président, de sa famille et de ses invités en petit comité. Selon Danièle Mazet Delpeuch, elle avait suffisamment de recettes pour le réjouir tout au long de l’année.
Le film fait voir tous les épisodes de la montée à Paris, avec les péripéties pour obtenir les produits frais, les foies gras, les cèpes, les truffes ou les poissons. Il montre également les jalousies et les intrigues de palais, même entre chefs de cuisine. Reflète-t-il la réalité? «Il était même en dessous », répond sa principale protagoniste interprétée par Catherine Frot. «Dans ces sous-sols du Palais de l’Elysée, on avait tiré les couteaux et on multipliait les chausses trappes. La seule chose inexacte, c’est que j’ai renversé tout le matériel de cuisine sous l’emprise de la colère. Un cuisinier digne de ce nom respecte le matériel. Et je n’ai pas non plus donné ma démission. On attend que le Président vous libère de vos fonctions. Mais c’est vrai que je me suis presque empoignée avec le Chef de la Cuisine centrale du Palais.»

Une douzaine d’années après cette équipée, la voilà qui postule pour les cuisines d’une mission scientifique dans l’Antarctique. Elle avait alors 60 ans. L’année 2000 venait de passer. On la refuse à cause de son âge. Elle réplique que, si on ne la prend pas, elle fait un procès pour discrimination. On a fini par l’engager.

Pascal Claivaz