Abbayes et vignobles actuels

Au fil des siècles, les moines ont permis de créer des vins d’exception, et largement contribué à façonner les crus d’aujourd’hui.

Essentiellement créé par les Romains, au Ier siècle, le vignoble gaulois s’avère vite sophistiqué: «chez les Romains, le vin était à la fois un objet de commerce et de luxe, mais aussi un divin nectar dont il semblait impossible de se passer. La vigne était entourée de tous les soins. Au Ve siècle, l’Eglise, pour qui le vin est symbole de la communion, développe les vignobles, et les évêques deviennent ainsi des personnages incontournables dans la cité.
 
Au Moyen-âge, la France compte 250 abbayes cisterciennes et plus de 400 bénédictines, qui produisent du vin pour la messe, mais aussi pour les pèlerins et même soigner les malades.Cîteaux, en 1100, acquiert un terrain à Vougeot et produit du vin. Les pierres blanches qui parsèment le terrain servent à construire des murets, protéger les raisins et retenir la chaleur du soleil: ainsi naquit le célèbre «clos Vougeot».
A l’inverse des autres vignerons, les moines proscrivent le mélange vigne / arbres fruitiers, pour ne pas appauvrir les sols et éviter les ombres sur les ceps. Ils sélectionnent les cépages, améliorent la vinification et identifient les meilleures parcelles. Les moines ont à l’origine de très nombreuses appellations. Ils voyagent beaucoup et comparent leurs techniques, mais n’en laissent nulle trace écrite, avant que Dom Denise, un moine italien travaillant dans un monastère de Bourgogne rédige un mémoire en 1779, republié en 1845, et qui démontre que les méthodes des abbayes n’ont guère vieilli.
 
La révolution vint chambouler tout ça: Cluny et Cîteaux rasées, les possessions de l’Église sont vendues à l’encan. Mais l’Église avait, depuis longtemps, vendu une partie de son patrimoine: la Romanée dès 1631, le Clos de Bèze en 1651… Les temps actuels imposent des objectifs de rentabilité aux successeurs des acquéreurs de l’époque, mais, comme on le souligne souvent, un lieu si magique oblige à bien faire…

La viticulture suisse
En Suisse, la viticulture est fruit d’une longue tradition, mais qui a cultivé la première vigne? On a trouvé des restes de vignes du néolithique à Saint-Blaise, et de l’âge du bronze au lac de Constance. Les Romains ont cultivé les premières vignes suisses, mais certains en attribuent la paternité aux Grecs de Phocée (Marseille).
 
Un premier document citant la viticulture date de 516: des moines bourguignons cultivaient la vigne pour fabriquer le vin de messe et de table de l’abbaye de Saint-Maurice, et c’est du Valais que la viticulture se répand jusqu’au lac de Constance et près de Coire, où les vignes datent du IXe siècle. En 1141, au bord du lac Léman, l’abbaye de Dézaley planta le premier vignoble en terrasse. Vers 1850, il se cultivait 35 000 hectares de vignes. Mildiou et phylloxéra en détruisirent une grande partie, et le vignoble actuel n’occupe plus que 15 000 hectares. De nos jours, les viticulteurs misent sur la qualité, ce qui s’est révélé propice pour eux et pour les consommateurs, pour un vin cultivé désormais dans toute la Suisse, majoritairement dans les cantons du Valais, de Vaud et de Genève.

JF Ulysse

Photo: l’abbaye de Cîteaux, en Bourgogne, a développé le clos Vougeot dès le XIIe siècle. © DR