Chocolat suisse et italien: des liens de parenté

Les idées reçues ont parfois la vie dure: le chocolat n’est pas né en Suisse. Le pays est toutefois le berceau d’inventions techniques importantes et de trois innovations en matière de recette: le chocolat aux noisettes, le chocolat au lait et le chocolat fondant, dont Rodolphe Lindt (1855-1909) fut le créateur. 

Avec une production annuelle de 300 000 tonnes de chocolat, l’Italie ne figure pas parmi les plus grands producteurs de chocolat. Son relatif éloignement des «grands producteurs» ne l’empêche pas d’être le pays où se trouvent les plus grands amateurs de chocolat amer d’Europe, variété noisettes ou liqueur. Le pays exporte 40% de sa production, grâce à des marques comme Ferrero – producteur du fameux Nutella –, qui détient 35% du marché national du chocolat contre 20% à la Nestlé. 
D’Italie en Suisse…
La spécificité de la production chocolatière italienne est que deux types de production se côtoient: celle des grandes marques (Ferrero, indigène; Nestlé, Lindt) et la myriade de petits producteurs qui portent une attention toute particulière au choix des matières premières et au respect des recettes traditionnelles: le beurre de cacao est roi, la lécithine de soja est bannie comme les arômes artificiels. 

Les producteurs d’envergure internationale sont essentiellement concentrés dans deux régions italiennes: le Piémont – connu pour ses noisettes – et la Toscane. Au Piémont, travaillent au moins une demi-douzaine de petits producteurs dont la Caffarel, du nom de son fondateur Pier Paul Caffarel (1801-1871) qui, en 1852, grâce à l’acquisition faite quelques années plus tôt d’une machine en mesure de produire plus de 320 kg par jour, une quantité importante pour l’époque, puis une autre en mesure de raffiner la poudre de cacao et la mélanger avec le sucre et la vanille. 
Dans sa fabrique, Caffarel employait des apprentis venus apprendre le métier à Turin. Parmi eux, un certain François-Louis Cailler, durant quatre ans. Une fois de retour en Suisse, ce dernier ouvrit un établissement à Corsier-sur-Vevey et créa là la première plaque de chocolat. Et si depuis 1997, la Caffarel fait partie du groupe Lindt & Sprungli, elle n’en continue pas moins sa production sur son site de Luserna San Giovanni, à l’est de Turin. 

… et en Sicile
C’est en 1880, à Modica, que Francesco Bonajuto, poursuivant la tradition familiale, ouvrit sa petite boutique de chocolats dont les recettes d’origine arabe et espagnole étaient le fruit d’une tradition séculaire. A Modica, le chocolat est fabriqué d’une autre manière, qui rappelle les lointains liens de la Sicile avec l’Espagne. Avant que soit inventé en Suisse le conchage – procédé d’affinage du chocolat par brassage à une température de 80o, inventé en 1879 par Rudolf Lindt – la masse de cacao était travaillée à une température beaucoup plus basse. Cette technique était utilisée par les Espagnols qui l’on importée dans le comté de Modica, au cours du 17e siècle et qui s’est conservée intacte encore aujourd’hui. 

L’embarras du choix
Aujourd’hui, en Italie, dans un marché hautement concurrentiel, pour décrocher des parts de marché, les fabricants cisalpins doivent être originaux. Pour cela, tout est bon pour accrocher la clientèle et la fidéliser. Car si les différentes sortes de chocolat sont plus ou moins identiques en matière de goûts, l’emballage fera la différence. 

Lionel Marquis