Musa Cavus: «Il faut trouver une solution à la difficulté à engager du personnel».

 

Musa Cavus, 32 ans, est directeur du Café restaurant de Grange-Canal, La Courbe du Goût, à Genève. Il s’est retrouvé récemment au coeur d’une polémique, après avoir mis une annonce dans la presse. Il  recherchait du personnel pour son établissement, et avait explicitement mentionné  sa préférence pour les frontaliers. Nous avons rencontré Musa Cavus dans son restaurant. 

Vous avez récemment mis une annonce dans la presse qui a suscité la polémique…
En effet. Je suis directeur du Café restaurant de Grange-Canal, La Courbe du Goût, à Genève depuis 2012, que je gère avec mes deux frères. J’ai mis une annonce le 23 avril dans le GHI, dans laquelle je recherchais du personnel à 100% pour mon établissement. Suite  à cette annonce, j’ai reçu de nombreux coups de fils anonymes et menaçants, et des commentaires très désobligeants sur mon site Internet, bref, j’ai été victime d’un boycott, tout cela parce j’ai clairement indiqué ma préférence à engager des frontaliers.

Pourquoi cette préférence?
Il ne s’agit en aucun cas de discrimination. Je suis honnête et pragmatique, tout simplement. Or, il se trouve qu’il devient très difficile de trouver du personnel: les Suisses et les Genevois ont souvent de fortes exigences, ils en ont vite assez de ce métier et partent, parce que cela ne leur plaît pas.  J’ai vérifié, de par mon expérience, que les frontaliers restaient plus longtemps et la plus grande difficulté consiste à trouver du personnel qui reste de façon durable.  Pourtant, à l’heure actuelle, parmi mes employés, seul mon cuisinier est frontalier, les autres vivent à Genève.

Cela n’est pas une question de salaire?
Non, mon père travaille depuis 32 ans dans un grand hôtel à Genève, et il gagne  3600.- Francs brut par moi. Le vrai problème, c’est qu’on trouve difficilement du personnel qui s’investit et qui est passionné par ce métier, qui bien sûr n’est pas facile (horaires etc.), mais il ne faut pas oublier qu’il y a les pourboires, en sus du salaire. Personnellement, je me suis toujours investi à fond, même lorsque j’étais employé, mais le sens des responsabilités se perd.

Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous êtes confrontés?
Les horaires et la crise dans le métier, que je ressens depuis un an environ. Il est de plus en plus difficile de renouveler sa clientèle. Et bien sûr les problèmes de personnel… J’attends un vrai soutien de la part de la Société des Cafetiers, Hôteliers et Restaurateurs de Genève (SCRHG) et de Monsieur Laurent Terlinchamp. J’ai  toujours travaillé avec des entreprises locales (produits, livraison etc.). Je pense qu’il faudrait créer une sorte de plate-forme, regroupant plusieurs organismes, dont l’OCE,  où seraient publiées les annonces pour le personnel de la restauration.

Pourtant, vous aimez votre métier?
Je suis cuisinier à la base et j’adore mon métier, au point de rêver la nuit de mes plats! J’ai toujours un immense plaisir à satisfaire le client, et ici, je propose une cuisine italienne et française. Dans ce métier, il faut être à la fois vendeur, psychologue, extraverti et avoir un sens de l’écoute indéniable, tout cela  au service du client! Propos recueillis par Nathalie Brignoli

Le mot de votre Président:
«Nous avons bien pris connaissance des problèmes qu’a rencontré notre collègue suite à l’annonce qu’il a fait paraître. La plupart de lecteurs ont fait un amalgame sur le terme de «frontalier», puisqu’il ne s’agit pas d’une nationalité mais d’un lieu d’habitation: ainsi, les membres de la communauté des pays européens auraient la possibilité de travailler en Suisse, et à Genève en particulier, en bénéficiant du statut de «frontalier». Il faut voir dans cet article le raz-le-bol exprimé par notre collègue dans sa difficulté à trouver des collaborateurs. Il s’agit d’un problème totalement européen, puisque plus de 600 000 postes sont à pourvoir en France dans le secteur de la restauration. Bien évidemment que l’OCE (Office cantonal de l’emploi) essaie de mettre en contact employeurs et demandeurs d’emploi; toutefois, lorsqu’une personne ne souhaite plus travailler dans la restauration – par exemple pour éviter les horaires du soir –, il ne s’agit plus d’une question de salaire, mais d’un vrai changement de vie. La fédération GastroSuisse et toutes 
les sections cantonales travaillent quotidiennement sur ces sujets, mais les solutions miracle n’existent pas. Durant les 15 dernières années, les commerces de la restauration ont doublé et le nombre de places offertes sont supérieures au nombre de collaborateurs souhaitant travailler dans nos entreprises. Par ailleurs, les formations actuelles (apprentissages ou écoles hôtelières) s’avèrent insuffisantes pour répondre aux besoins du marché. Pour conclure, si dans les jours à venir, l’OCE n’était pas en mesure de proposer à notre collègue des candidats répondant à ses besoins, nous essaieront de l’accompagner dans sa recherche. Nous restons bien sûr toujours, sur l’ensemble des sujets, à disposition de nos membres.

Laurent Terlinchamp,
Président de la SCRHG (Société des cafetiers, Restaurateurs et Hôteliers de Genève)